vendredi 13 juin 2014

« Zwitter » / « Ich weiß alles » - Mutter/texte de Till Lindemann pour Roland Kaiser

Zwitter

Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter

Ich hab ihr einen Kuss gestohlen
sie wollte sich ihn wiederholen
Ich hab sie nicht mehr losgelassen
Verschmolzen so zu einer Maße
So ist es mir nur allzurecht
Ich bin ein schönes Zweigeschlecht
Zwei Seelen unter meiner Brust
Zwei Geschlechter eine Lust

Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter

Ich gehe anders durch den Tag
Ich bin der schönste Mensch von allen
Ich sehe wunderbare Dinge
Die sind mir vorher gar nicht aufgefallen
Ich kann mich jeden Tag beglücken
Ich kann mir selber Rosen schicken
Da ist kein Zweiter und kein Dritter
Eins und eins das ist gleich

Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Ich bin so verliebt
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Ich bin in mich verliebt
Eins für mich eins für dich
Gibt es nicht für mich
Eins für mich eins für dich
Eins und eins das bin ich

Ich bin alleine doch nicht allein
Ich kann mit mir zusammen sein
Ich küsse früh mein Spiegelbild
Und schlafe abends mit mir ein
Wenn die anderen Mädchen suchten
Konnt ich mich schon selbst befruchten
So bin ich dann auch nicht verzagt
wenn einer zu mir Fick Dich sagt

Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Ich bin so verliebt
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Zwitter , Zwitter
Ich bin in mich verliebt
Eins für mich eins für dich
Gibt es nicht für mich
Eins für mich eins für dich
Eins und eins das bin ich

Traduction ici
Ich weiß alles




Ich weiß alles über dich.
Ich weiß wie Du wirklich bist.
Ich seh dich an,
erkenne dich.
Du bewegst dich so wie ich.

Ich weiß dass Du weißt, dass ich alles von dir weiß.

Du redest viel, ich bin verschwiegen
Wenn ich aufsteh, bleibst du liegen
Muss heimlich weinen, wenn du lachst
Ich weiß immer was du machst
Ich weiß wo du gewesen bist und das es mir das Herz zerfrisst

Ich weiß alles
Weißt auch du, alles was du sagtest?
Ich weiß alles
Kein Tabu, alles was du fragtest
Ich weiß alles, in mir zerbricht
Alles was du machtest, weißt du leider nicht, woran du nie dachtest

Immer wenn Du lügst will ich dir glauben.
Wenn Du mich betrügst, schliess ich die Augen
Wenn mir kalt ist, wird dir heiss.

Ich weiß, dass Du weißt, dass ich alles von dir weiß

Es zieht dich immer auf die Strassen
Du denkst du könntest was verpassen
Am Abend schminkst du dein Gesicht
Du darfst alles, darf ich nicht
Wirst mich für immer quälen, beschenken und bestehlen

Ich weiß alles
Weißt auch du alles was du sagtest?
Ich weiß alles
Kein Tabu, alles was du fragtest
Ich weiß alles, in mir zerbricht
Alles was du machtest, weißt du leider nicht, woran du nie dachtest

Ich weiß alles über dich,
Ich weiß wie du wirklich bist
Ich weiß was du gespürt hast als du es berührt hast
Du schaust mich an, hast mich erkannt
Spieglein, Spieglein an der Wand









Traduction ici




De retour avec un nouveau commentaire comparer : « Zwitter » et « Ich weiß alles », texte que Lindemann a écrit pour le chanteur allemand Roland Kaiser (je m'étais risquée à une traduction ici). Deux thèmes proches, voire identiques, pour ces textes auxquels on aurait pu ajouter également « Führe mich » dont j'ai déjà proposé un commentaire lors de la sortie du film de Lars von Tier Nymphomaniac. Ainsi, dans ces trois chansons, Lindemann traite du thème de la dualité de l'être. Les narrateurs de « Zwitter » et de « Ich weiß alles » parlent d'eux-même autour d'un jeu entre « je » et l'autre.

D'emblée on remarque une opposition dans la manière de traiter le sujet dans les deux textes : « Zwitter » assume dès le premier couplet la dualité dont il est question, « Je suis un beau bisexué / Deux âmes sous ma poitrine / Deux sexes et un seul désir », alors qu'il faut attendre les derniers mots de « Ich weiß alles » pour comprendre que le narrateur s'adresse à lui-même, « Tu me regardes, me reconnais / Miroir, miroir sur le mur ». Pourtant dans les deux cas Lindemann mets en scène le « je » et le « tu » ou le « elle » (dans « Zwitter ») pour exprimer une certaine dualité, voire une opposition.

« Zwitter » assume totalement cet aspect du double et du moi. Par son titre d'abord, « Hermaphrodite », puis dans la manière dont est menée l'écriture. La narrateur parle d' « elle » dans le premier couplet : « Je lui ai volé un baiser / Elle en voulait un autre », mais très vite le « je » prend le dessus et ce qui semblait être deux au départ ne fait plus qu'un seul : « Je suis un beau bisexué / […] / Il n'y a pas de deuxième ni de troisième / Un et un, c'est pareil ». On remarquera que Lindemann insiste sur l'aspect sexuel (oui, encore...) de cet état : « Je peux me donner du plaisir chaque jour / […] / Quand les autres filles cherchaient à assouvir leurs besoins / Je pouvais me féconder moi-même / Ainsi je ne suis pas embarrassé / Quand on me dit ''va te faire foutre'' ».
Si on lit se texte au regard de toute la thématique de l'album Mutter, on peut y voir l'expression de la sexualité adolescente : les premières expériences du plaisir sexuel sont solitaires. L'enfant, ou l'adolescent ressent lors de ces premières pratiques une plénitude que Lindemann arrive très bien à retranscrire ici : il n'y a pas de sensation ou de sentiment négatif dans cette chanson et les mots employés sont toujours positifs : « Ça me convient parfaitement ainsi », « Je suis le plus bel homme de l'univers / Je vois des choses merveilleuses ». Le narrateur en est au (merveilleux) stade de l'apprentissage de la sexualité qui ne connait pas la frustration.
Les plus romantiques peuvent aussi voir dans ce texte un métaphore du couple idéal. Ceux qui étaient deux au début ne forment plus qu'un seul et même être et la compréhension est totale : « Deux âmes sous ma poitrine / Deux sexes et un seul désir ». Une fois encore cette plénitude d'un couple idéal renvoie, pour moi, aux premières amours. Les adolescents s'aiment de cette manière : un véritable fusion à la fois psychique et physique dans laquelle chacun est capable de s'abandonner totalement à l'autre au point de ne former plus qu'un seul.
Ainsi, « Zwitter » aborde la thématique du moi double et entier. Cette dualité est vécu de manière positive et c'est en cela qu'elle est en lien avec l'enfance ou l'adolescence.

Aussi, « Ich weiß alles » reprend ce même thème, toutefois le texte est emprunt d'une plus grande maturité et, alors que « Zwitter » évoquait le bonheur et la plénitude, de mélancolie. « Je » et « tu » sont ici en opposition : « Tu parles beaucoup, je suis discret / Quand je me lève, tu reste couché / Je dois pleurer en secret quand tu ris ». Ainsi, plus de bonheur mais une opposition difficile à vivre. L'atmosphère légère et joyeuse du premier texte est remplacée ici par la pesanteur d'un secret : « Toujours quand tu mens je veux te croire / Quand tu me trompe, je ferme les yeux ». Si « Zwitter » pouvait sous-entendre la description d'un couple, l'évocation est plus franchement explicite dans ce texte. En effet, Lindemann joue autour de cette notion secret et de mensonge : « tu » trompe « je » et « je » en souffre. Et si on ne lit pas attentivement le dernier vers de la chanson, on pense qu'elle parle d'un couple qui se fait du mal et se ment.
C'est à la lecture des derniers mot du texte, « Tu me regarde, me reconnaît / Miroir, miroir sur le mur », qu'il prend tout son sens et une plus grande profondeur. En effet, le narrateur semble être arrivé à un certain âge et lorsqu'il regarde en arrière, il à l'impression de s'être trompé lui-même, de s'être menti. La personne qu'il voulait être à l'aube de sa vie est loin de celle qu'il est devenu, il s'est trahi lui-même et en souffre beaucoup. Nous pourrions même aller jusqu'à dire que les deux chansons décrivent le même personnege, adolescent dans « Zwitter » et homme mature, voire un vieillard, dans « Ich weiß alles ». La dualité assumée de l'adolescence est devenue un véritable poids.

Au delà même de cette notion de double, les deux textes sont une métaphore de l'existence humaine. En effet, l'adolescent est plein de principes quant à la manière de mener sa vie future, le vieillard lui ne peut  que regarder en arrière et voir qu'il n'est pas devenu l'homme qu'il souhaitait être étant jeune. On peut ainsi dire que « Zwitter » est parfaitement en accord avec le reste des textes de Mutter qui prennent le point de vue de l'enfant/adolescent (ou traite plus généralement de ces problématique là). « Ich weiß alles » est d'une sincérité déconcertante : il semblerai que Lindemann aborde dans ce texte un vécu et un ressenti plus personnel. Le véritable auteur créant un narrateur de toute pièce (comme c'est le cas pour « Zwitter » et plus généralement dans l'album Mutter) devient un poète composant des textes plus personnels.

Cela me permets de dire quelques mots sur l'album Mutter. La critique que l'on peut faire à cet album, et que j'ai souvent entendu d'ailleurs, est le fait que certaines chansons restent froides et assez mécaniques. Je m'abstiendrait de faire le moindre commentaire sur la musique, toutefois je pense que cette « froideur » vient également des textes. Je crois que c'est l'album ou Lindemann présente des narrateur assez éloigné de ce qu'il est lui-même au moment où il écrit. S'il se met dans la peau d'un adolescent ou d'un enfant, on retrouve toujours une sorte de mise à distance très ironique. Les textes de Mutter (pas tous) manquent à mon avis de sincérité parfois.

Pour conclure sur le sujet initial, on peut dire que l'on trouve dans les textes de Lindemann des sujets récurants. Malgré leur thématique commune, « Zwitter » et « Ich weiß alles » la traitent de manière totalement différente proposant aussi des atmosphères diverses. Traité à presque quinze années d'écart, cela nous permet aussi de voir l'évolution, la maturité du point de vue de l'auteur sur un même sujet. Il me semblait ainsi intéressant de confronter ces deux textes. 

mercredi 4 juin 2014

« Ich weiß alles » traduction du texte écrit par Till Lindemann pour Roland Kaiser

Un article un peu différent aujourd'hui, puisque je propose une traduction du texte que Till Lindemann à écrit pour le chanteur allemand Roland Kaiser. Kaiser a sorti son dernier album Seelenbahnen il y a quelques jours, et c'est dans cet opus qu'il interprète le texte de Lindemann.

Voici donc ma tentative de traduction. Je précise que mon niveau d'allemand est bien trop faible pour retranscrire véritablement le style de Till, et les passages en italique sont assez mal traduits, mais je ne peux malheureusement pas faire mieux.

Peut-être, proposerai-je bientôt un commentaire littéraire du texte…



Ich weiß alles über dich.
Ich weiß wie Du wirklich bist.
Ich seh dich an,
erkenne dich.
Du bewegst dich so wie ich.

Ich weiß dass Du weißt, dass ich alles von dir weiß.

Du redest viel, ich bin verschwiegen
Wenn ich aufsteh, bleibst du liegen
Muss heimlich weinen, wenn du lachst
Ich weiß immer was du machst
Ich weiß wo du gewesen bist und das es mir das Herz zerfrisst

Ich weiß alles
Weißt auch du, alles was du sagtest?
Ich weiß alles
Kein Tabu, alles was du fragtest
Ich weiß alles, in mir zerbricht
Alles was du machtest, weißt du leider nicht, woran du nie dachtest

Immer wenn Du lügst will ich dir glauben.
Wenn Du mich betrügst, schliess ich die Augen
Wenn mir kalt ist, wird dir heiss.

Ich weiß, dass Du weißt, dass ich alles von dir weiß

Es zieht dich immer auf die Strassen
Du denkst du könntest was verpassen
Am Abend schminkst du dein Gesicht
Du darfst alles, darf ich nicht
Wirst mich für immer quälen, beschenken und bestehlen

Ich weiß alles
Weißt auch du alles was du sagtest?
Ich weiß alles
Kein Tabu, alles was du fragtest
Ich weiß alles, in mir zerbricht
Alles was du machtest, weißt du leider nicht, woran du nie dachtest

Ich weiß alles über dich,
Ich weiß wie du wirklich bist
Ich weiß was du gespürt hast als du es berührt hast
Du schaust mich an, hast mich erkannt
Spieglein, Spieglein an der Wand
Je sais tout de toi
Je sais comment tu es vraiment/réellement
Je te regarde
(Je) te reconnais
Tu te comportes comme moi

Je sais que tu sais que je sais tout de toi

Tu parles beaucoup, je suis discret (secret)
Quand je me lève, tu restes couché
(Je) dois pleurer en secret quand tu ris
Je sais toujours ce que tu fais
Je sais où tu étais et cela me brise le coeur

Je sais tout
Sais-tu aussi, tout ce que tu disais ?
Je sais tout
Pas de tabou, tout ce que tu demandais
Je sais tout, en moi brisé
Tout ce que tu faisais, tu ne sais malheureusement pas à quoi tu n'as jamais pensé

Toujours quand tu mens je veux te croire
Quand tu me trompe, je ferme les yeux
Quand j'ai froid, tu as chaud

Je sais que tu sais que je sais tout

Cela te tire toujours dans les rues
Tu penses (que) tu pouvais manquer quelque chose
Le soir tu te maquilles le visage
Tu peux (à le droit) à/de tout, je ne peux (ai le droit) à/de rien
Tu me tourmenteras/m'obsèderas toujours
Offrir et reprendre (voler)

Je sais tout
Sais-tu aussi, tout ce que tu disais ?
Je sais tout
Pas de tabou, tout ce que tu demandais
Je sais tout, en moi brisé
Tout ce que tu faisais, tu ne sais malheureusement pas à quoi tu n'as jamais pensé

Je sais tout de toi
Je sais comment tu es réellement/véritablement
Je sais ce que tu as ressenti lorsque tu l'as touché
Tu me regardes, me reconnais
Miroir, miroir sur le mur



samedi 24 mai 2014

« Mutter » / « Donaukinder » - Mutter / Liebe ist für alle da



Mutter

Die Tränen greiser Kinderschar
Sich zieh sie auf ein Weißes Haar
Werf in die Luft die nasse Kette
Und wünsch mir dass ich eine Mutter hätte
Keine Sonne die mir scheint
keine Brust hat Milch geweint
In meiner Kehle steckt ein Schlauch
Hab keinen Nabel auf dem Bauch

Mutter, Mutter
Mutter, Mutter

Ich durfte keine Nippel lecken
Und keine Falte zum verstecken
Niemand gab mir einen Namen
Gezeugt in Hast und ohne Samen

Der Mutter die mich nie geboren
Hab ich heute Nacht geschworen
Ich werd ihr eine Krankheit schenken
Und sie danach im Fluss versenken

Mutter, Mutter
Mutter, Mutter
Mutter, Mutter
Mutter, Mutter

In ihren Lungen wohnt ein Aal
Auf meiner Stirn ein Muttermal
Entferne es mit Messers Kuss
Auch wenn ich daran sterben muss

Mutter, Mutter, Mutter, Mutter

In ihren Lungen wohnt ein Aal
Auf meiner Stirn ein Muttermal
Entferne es mit Messers Kuss
Auch wenn ich verbluten muss

Mutter, oh gib mir Kraft
Mutter, Mutter
Oh gib mir Kraft
Mutter, Mutter
Oh gib mir Kraft
Mutter, Mutter
Oh gib mir Kraft

Donaukinder


Donau quellt ein Aderlass
Wo Trost und Leid zerfließen
Nichts gutes liegt verborgen nass
In deinen feuchten Wiesen

Keiner weiß was hier geschah
Die Fluten rostig rot
Die Fische waren atemlos
Und alle Schwäne tot
An den Ufern in den Wiesen
Die Tiere wurden krank
Aus den Auen in den Fluß
Trieb abscheulicher Gestank

Wo sind die Kinder
Niemand weiß was hier geschehn
Keiner hat etwas gesehen
Wo sind die Kinder
Niemand hat etwas gesehen

Mütter standen bald am Strom
Und weinten eine Flut
Auf die Felder, durch die Deiche
Stieg das Leid in alle Teiche
Schwarze Fahnen auf der Stadt
Alle Ratten fett und satt
Die Brunnen giftig, aller Ort
Und die Menschen zogen fort

Wo sind die Kinder
Niemand weiß was hier geschehn
Keiner hat etwas gesehen
Wo sind die Kinder
Niemand hat etwas gesehen

Donau quellt ein Aderlass
Wo Trost und Leid zerfließen
Nichts gutes liegt verborgen nass
In deinen feuchten Wiesen

Wo sind die Kinder
Niemand weiß was hier geschehn
Keiner hat etwas gesehen
Wo sind die Kinder
Niemand hat etwas gesehen






Un autre commentaire comparé : « Mutter » et « Donaukinder » cette fois-ci. Autant dire la vérité, l'idée de confronter les deux textes ne vient pas de moi mais de la page Facebook Donaukinder sur laquelle était écrit hier soir que les deux chansons se faisaient écho, « more or less » (soit dit en passant, la page Donau n'apparait plus sur Facebook ce matin... Mais absolument AUCUNE raison de paniquer...). Je sens que cet article va être un peu long, car j'aimerai dans un premier temps expliquer chacun des deux textes individuellement avant de les confronter.

Commençons donc par « Mutter ». Chanson éponyme de l'album sorti en 2001, elle est en son centre, sorte de pilier qui porte la thématique générale des dix autres chansons. Le narrateur semble adulte, mais il parle de l'enfant qu'il était, et qu'il est encore. Le premier vers souligne ce double aspect puisqu'il évoque « Les larmes d'une bande d'enfants-vieillard » que la narrateur « enfile sur un cheveu blanc / [il] jette ce cordon humide en l'air ». L'image semble dire que le narrateur a vieilli, mais qu'il n'a pas pu grandir, parce qu'il a été abandonné : « J'aurais aimé avoir une mère », dit-il. La suite de ce premier couplet s'attarde sur l'idée d'abandon, de solitude, et surtout de manque d'amour, « Il n'y a aucun soleil qui m'illumine / Aucune poitrine n'a pleuré de lait pour moi ». Il a manqué de tout ce qui est nécessaire à l'homme pour être un humain accompli et sensible, une mère, à la fois nourricière et aimant (les mots du deuxième couplet évoquent exactement cette même idée : « Je ne pouvais téter aucun sein / Je n'avais aucun repli pour m'abriter »). Ainsi, il lui semble qu'il n'est pas humain, qu'il est le résultat d'une expérience purement scientifique dont tout sentiment reste absent : « dans ma gorge, il y a un tube / Je n'ai pas de nombril sur le ventre » et au couplet suivant il ajoute « Conçu à la hâte et sans semence ». Ne connaissant pas ses origines, il souffre aussi de ne pas connaître son identité : « Personne ne m'a donné de nom ». Dans ce contexte, les répétitions de « Maman » évoquent les pleurs de l'enfant cherchant désespérément sa mère.

Il semble que le troisième couplet marque un tournant. Si le début de la chanson évoque la douleur de ne pas savoir d'où on vient, qui on est, d'avoir manqué d'affection et d'amour, c'est la haine qui emprunt la seconde moitié du texte : « À la mère qui ne m'a jamais fait naître / J'ai juré cette nuit / De la rendre malade / Et de la noyer ensuite dans le fleuve ». Reste sous-jacente ici une idée de révolte adolescente. Noyer la mère peut être ici une métaphore représentant le besoin de nier ses parents pour affirmer sa propre identité. Le narrateur enfant n'a beau pas avoir eu de parents, l'adolescent qu'il est ressent tout de même ce violent besoin de révolte. Le couplet suivant, répété à deux reprises, va dans ce sens, mais semble sous-entendre autre chose de plus. En effet, il semble difficile d'interpréter le vers : « Dans ses poumons loge une anguille ». Je ne suis pas sûre de pouvoir bien l'interpréter, je vais donc le faire de manière subjective, dans le but de pouvoir lier « Mutter » à « Donaukinder » toute à l'heure. Il semblerait que le changement qu'il s'opère entre le début du texte et cette deuxième partie est le fait que le narrateur aurait découvert son identité, ses origine, il aurait retrouver sa mère. Et ce qu'il a découvert est inacceptable. L'anguille dans les poumons de la mère représente pour moi la honte et le pécher : elle a fait quelque chose de grave que le narrateur aurait préférer ne jamais découvrir. En effet, maintenant qu'il semble savoir qui est sa mère, « Sur mon visage, il y a une tache de naissance » (ce qui entre en totale opposition avec les premiers et deuxièmes couplets « J' n'ai pas de nombril sur le ventre », etc.), il est encore plus malade qu'il ne l'était en ne connaissant pas ses origine. Désormais il voudrait effacer cette identité, « Sur mon visage, il y a une tache de naissance / Que le baiser du couteau me l'enlève ! », à tel point qu'il est prêt à cesser de vivre, « Même si je dois en mourir ». Alors, ce qu'il a découvert, la raison de son abandon est une chose des plus terrible peut-être révélée dans « Donaukinder ». Mais avant d'y venir un dernier mot sur « Mutter ». Les répétitions de « Maman » qui au début était les pleurs de l'enfant abandonnée, deviennent alors de cris de haine, « Maman qu'as-tu fais ! » semble-il crier. « Oh donne-moi la force » de survivre à cette infamie, de te tuer...


« Donaukinder » narre une sombre histoire, où il est question de maladie, d'épidémie. « Le Danube s'écoule en une hémorragie / Où réconfort et souffrance se répandent » : le mal dont il est question est intimement lié au fleuve, et, paradoxalement (encore une fois!) le fleuve est aussi un « réconfort » face à ce mal. Pourquoi ? Il faut avancer un peu dans l'explication, mais nous y reviendrons. Lindemann insiste sur la description de cette épidémie qui à décimé tout un paysage : « Les flots rouges comme la rouille / Les poissons étaient asphyxiés / Et tous les cygnes morts / Sur les berges, dans les près / Les animaux tombent malade / […], une horrible puanteur / Se déversa dans le fleuve ». Ainsi un mal autour du fleuve fait mourir les être vivant, change l'eau de couleur. Et, là encore, un paradoxe, puisque à la fois le fleuve être la source de l'épidémie, mais quelqu'un ou quelque chose aurait « [déversé] » ce mal dans le fleuve. Quel est ce mal ?

Si un partie du texte insiste sur la description d'un mal déformant toute une région, celle du Danube, l'autre partie à pour thématique principale le secret, le fait de ne pas savoir. Le refrain est essentiellement constitué autour du secret : « Où sont les enfants / Personne ne sait ce qui est arrivé ici / Personne n'a rien vu ». Idée renforcée par le premier vers du deuxième couplet : « Personne ne sait ce qui s'est passé ici ». On insiste ici sur le fait que personne ne peut dire ce qui s'est passé, que personne ne comprend pourquoi tous ces animaux mort, tout ce paysage détruit. Quant aux enfants, sont-ils morts eux aussi ? « Personne n''a rien vu ». Pourtant, des personnes étaient présentes sur la berge : « des mères se tinrent au bord du fleuve / Et versèrent un flots de larmes ». Les enfants se seraient-ils noyés dans le Danube ? Revenons au premier couplet. Plus haut, nous soulignions le fait qu'une épidémie avait d'abord décimé les êtres vivants au bord du Danube, et que, paradoxalement, si la maladie semblait venir du fleuve, on y a déversé le mal dedans. L'interprétation qu'on peut en faire serait : il y a eu une grave épidémie qui a atteint les populations humaines et animales de cette régions, tuant les être les plus faibles, donc les enfants (concernant la nature de la maladie, j'ai envie de dire peu importe, même se l'évocation des « rats repus et gras » peut faire penser à la peste). Tellement le nombre de victime a été grand, les parents n'ont pas pu donner de sépulture aux morts, ils les ont donc jeté dans le fleuve. Leur pêcher a peut-être même été plus grand : de peur de voir les enfants encore en vie atteints pas la maladie, ils ont préféré les noyer.

Cette faute grave explique alors toute cette atmosphère de secret qui pèse autour de ces événements, que l'on ne peut que deviner en négatif. La vérité est que tout le monde sait ce qu'il s'est passé, la population est en deuil, « Des drapeaux noirs sur toute la ville », mais la honte est si grande qu'on n'ose rien dire, qu'on préfère faire comme si on ne savait pas. Le pêcher est si grand, la honte si insupportable, que « les hommes partirent » emportant avec eux le secret. Et seul ce paysage dévasté porte encore les stigmates du drame.


Quel lien faire alors entre « Mutter » et « Donaukinder » ? On pourrait penser que le narrateur s'exprimant dans « Mutter » est un des enfants du Danube rescapé de l'épidémie et de la noyade. Orphelin, il cherche à savoir d'où il vient. Il découvre alors le secret, le drame qui s'est joué sur les berges de Danube. Ainsi la lecture de « Donaukinder » révèlerait l'histoire du narrateur de « Mutter », les deux textes, pouvant être lus et compris de manière indépendante, se font alors écho. Je me demande alors si nous savons quand est-ce que Lindemann a écrit « Donaukinder ». Il ne serait pas impossible que l'écriture de ce texte date de la création de l'album Mutter et que le texte n'ait finalement pas été retenu. Le groupe a-t-il peut-être même travailler sur la composition musicale de « Donaukinder » pendant le période Mutter. Ce n'est qu'une supposition de ma part, mais le solo de guitare de cette chanson me rappelle systématiquement celui que l'on trouve dans « Mein Herz brennt ». De plus, « Donaukinder » ne se trouve pas au cœur de l'album Liebe ist für alle da, mais dans les bonus. Pourquoi, alors qu'il s'agit, selon moi, de l'un des meilleures chanson de l'album ? Peut-être parce qu'ils auraient ressorti et retravaillé une vieille démo datant de leur travail sur Mutter. Absolument rien ne peut confirmer (ou infirmer) mes dires, c'est une réflexion personnelle. D'un autre côté, Lindemann aurait très bien pu écrire les paroles de « Donaukinder » au moment de composer Liebe ist für alle da en référence à Mutter. Quoi qu'il en soit, et peut-importe les dates d'écriture et de composition, les deux textes partagent un lien certain.


lundi 19 mai 2014

« Das alte Leid » / « Weißes Fleisch » - Herzeleid


Das alte Leid

Aus der Bohne und in das Licht
Ein Wesen mich zu gehen drängt
Für die selbe Sache und das alte Leid
Meine Tränen mit Gelächter fängt
Und auf der Matte fault ein junger Leib
Wo das Schicksal seine Puppen lenkt
Für die selbe Sache und das alte Leid
Weiß ich endlich hier wird nichts verschenkt

Aus der Bohne und in das Nichts
Weiß jeder was am Ende bleibt
Dieselbe Sache und das alte Leid
Mich so langsam in den Wahnsinn treibt
Und auf der Matte tobt derselbe Krieg
Mir immer noch das Herz versengt
Dieselbe Sache und das alte Leid
Weiß nur endlich

Ich will ficken
Ficken
Ficken
Ficken

Nie mehr
Nie mehr das alte Leid
Nie mehr
Nie mehr das alte Leid

Aus der Bohne und in das Licht
Ein Wesen mich zu gehen drängt
Für die selbe Sache und das alte Leid
Meine Tränen mit Gelächter fängt
Und auf der Matte fault ein junger Leib
Wo das Schicksal seine Puppen lenkt
Für die selbe Sache und das alte Leid
Weiß ich endlich

Nie mehr
Nie mehr das alte Leid
Nie mehr
Nie mehr das alte Leid

Nie mehr
Nie mehr das alte Leid
Nie mehr
Nie mehr das alte Leid

Nie mehr
Nie mehr das alte Leid
Nie mehr
Nie mehr das alte Leid


Weißes Fleisch



Weißes Fleisch

Du auf dem Schulhof
Ich zum Töten bereit
Und keiner hier weiß
Von meiner Einsamkeit

Rote Striemen auf weißer Haut
Ich tu dir weh
Und du jammerst laut

Jetzt hast du Angst und ich bin soweit
Mein schwarzes Blut versaut dir das Kleid

Dein weißes Fleisch erregt mich so
Ich bin doch nur ein Gigolo
Dein weißes Fleisch erleuchtet mich

Mein schwarzes Blut und dein weißes Fleisch
Ich werd immer geiler von deinem Gekreisch
Der Angstschweiß da auf deiner weißen Stirn
Hagelt in mein krankes Gehirn

Dein weißes Fleisch erregt mich so
Ich bin doch nur ein Gigolo
Mein Vater war genau wie ich
Dein weißes Fleisch erleuchtet mich

Jetzt hast du Angst und ich bin soweit
Mein krankes Dasein nach Erlösung schreit
Dein weißes Fleisch wird mein Schafott
In meinem Himmel gibt es keinen Gott

Dein weißes Fleisch erregt mich so
Ich bin doch nur ein Gigolo
Dein weißes Fleisch erleuchtet mich
Mein Vater war genau wie ich
Dein weißes Fleisch erregt mich so
Ich bin ein trauriger Gigolo
Dein weißes Fleisch erleuchtet mich











J'ai choisi de faire un commentaire comparé de « Weißes Fleisch » et « Das alte Leid » dans la mesure où les textes me semblent très proches, au niveau de la thématique, et que le premier semble illustrer le second. Il est encore une fois question chez Rammstein de désir et de sexe. J'ai l'impression que ce sont les mots que j'utilise le plus souvent lorsque je fais ces foutus commentaires ! Mais, « il n'y a que ça qui nous gouverne » comme dirait l'autre (10 points à celui ou celle qui trouve la référence).

De manière générale, l'album Herzeleid associe sexe, violence et mort. « Das alte Leid » identifie finalement les causes de toutes ces « peines de coeur » dont il est question dans cet opus. Il semble que le désir lubrique est la cause de tout ce mal, de toute cette peine, il guide l'homme à sa perte. Ce mal, nul ne peut le vaincre, on ne peut rien contre : « De la graine vers la lumière / Un être me pousse à aller vers la même chose, ce mal ancien ». En utilisant ainsi l'image de la graine, origine de la vie, Lindemann exprime deux choses : le « mal » dont il est question est présent dès l'origine de l'homme, dans ses gènes, on ne peut pas s'en détacher, il fait partie intégrante de notre être ; également ce qui fait grandir l'homme, c'est cette volonté d'aller vers ce mal. Est ici exprimé le fait que le sexe, le désir est le moteur de l'homme qui devient alors un simple « pantin ». Cette fatalité est exprimée à la fin de ce couplet : « Où le destin nous mène-t-il […] / Vers la même chose, ce mal ancien ». Ainsi, ce « mal », pas encore identifié à ce stade du texte, est à la fois à l'origine de l'humanité et sa propre destinée.

Cette notion de fatalité et de destin est mise en valeur dans « Weißes Fleisch » : « Je ne suis qu'un gigolo / Mon père était tout comme moi » : ici le narrateur montre bien que le « mal » qui le pousse au viol, et de manière générale à la violence est un héritage. Sous entendu ici que le narrateur est le fruit d'un viol, et que comme son père il engendrera une descendance par la violence et la souffrance. Cette image montre à quel point l'homme ne peut faire autre chose que subir cette souffrance.

Souffrance et désir sont associés dans les deux textes. Dans « Weißes Fleisch » le narrateur exprime sa « solitude » et parle de son « cerveau malade ». On ressent à travers ce texte que ce qu'il fait est plus fort que lui, qu'il en a besoin pour vivre, à tel point que le narrateur parle de délivrance : « Mon être malade crie pour qu'on le délivre / Ta chair blanche sera ma potence ». Il y a ici quelque chose de paradoxal. En effet, la douleur devrait être, dans ce texte qui décrit un viol, associé à la victime, mais ce n'est pas le cas. Les deux seuls mots de vocabulaire associé à la jeune femme (d'ailleurs le seule indice qui nous montre qu'il s'agit bien d'une jeune femme est « ta robe » dans le second couplet) sont les « cris » et la « peur ». Tous le champ lexical autour de la douleur et de la mort est associé à l'agresseur : « Ma solitude », « Mon sang noir », « cerveau malade », « Mon être malade crie pour qu'on le délivre / ta chaire blanche sera ma potence »...

On retrouve cette même association, souffrance et désir dans « Das alte Leid ». Le narrateur exprime ici son mal : « Ce mal ancien / Il prend mes larmes en ricanant ». « Le mal ancien » le « fait sombrer lentement dans la folie », faisant écho au « cerveau malade » dans « Weißes Fleisch ». Il semblerait également que le vers suivant « Tandis que pourrit sur la couche un jeune corps » soit un rappelle de « Weißes Fleisch » d'une part, mais également de « Do rieschst so gut », et de manière encore plus explicite à « Wollt ihr das Bett in Flammen sehen ? ». « Das alte Leid » fait référence à la première chanson de l'album également ici : « Et sur la couche la même guerre fait rage ».

« Das alte Leid » semble d'ailleurs marqué un tournant dans l'album. Dans les deux premiers couplets de la chanson, Lindemann se contente de décrire sa souffrance, sans parvenir à 'identifier. La partie centrale du texte repose sur l'identification de « ce mal » : « Je veux baiser ». Ainsi le sexe et bien la cause, et la solution (j'y viendrai plus loin) de tous nos problèmes. Le « Je le sais enfin » qui précède « Ich will ficken », s'il est en réponse au deux premiers couplets, me semble aussi être en réponse aux trois autres chanson précédemment citées, comme s'il s'agissait du même narrateur pour pour ces cinq titres. Ainsi, ce qui le fait souffrir et ce qui le pousse à faire le mal est bien le sexe.

Comme souvent (pour ne pas dire toujours) dans l'écriture de Lindemann, nous avons affaire à un paradoxe. « Weißes Fleisch » insiste, nous l'avons vu, sur la souffrance du narrateur/agresseur. Le désir lubrique le pousse à faire mal à la jeune femme (« Je te fais mal / Et tu cries fort »), toutefois si le sexe est la source de « ce mal ancien », il en devient aussi, comme je l'écrivais plus haut, la solution à cette souffrance : « Ta chair blanche m'illumine ».

Le sexe est ce qui nous guide, parce qu'avant tout l'homme est un animal et l'instinct de survie réside dans la volonté de s'assurer une descendance. Lindemann a beau essayé de réfléchir sur les causes des souffrances humaines dans « Das alte Leid », les textes précédemment cités (« Weißes Fleisch », « Du rieschst so gut ») décrivent un comportement animal. La subtilité analytique dont fait preuve Lindemann lorsqu'il décrit l'humanité et ses sentiments réside dans ce va et viens (ahah!) incessant entre une manière rationnelle et littéraire d'exprimer les peines de l'homme et les images animales et brutales qu'il utilise pour le faire.

J'interprète ce paradoxe comme une sorte de mise à distance. Dans la plupart de mes commentaires j'essaie de montrer comment Lindemann aborde des sujets sérieux tout en montrant une certaine auto-dérision. Ce n'est pas vraiment explicite dans ces deux textes, il s'agit ici d'une interprétation personnelle. Ainsi, il dit que le sexe est le destin de l'humanité. Que la souffrance ressentie soit réelle, je n'en doute pas (il suffit d'analyser un peu nos existences pour y trouver les mêmes problématiques), mais cette volonté absolue de dire « ce n'est pas ma faute » (20 points supplémentaires à celui qui trouve cette autre référence) est toute à fait ironique. En effet, cette chanson semble aussi justifier l'infidélité : le narrateur dit « ce n'est pas ma faute », ce n'est pas moi c'est « un être [qui] me pousse à aller / Vers la même chose, ce mal ancien ». 




lundi 12 mai 2014

« Seemann » - Herzeleid

Komm in mein Boot
Ein Sturm kommt auf
Und es wird Nacht

Wo willst du hin
So ganz allein
Treibst du davon

Wer hält deine Hand
Wenn es dich
Nach unten zieht

Wo willst du hin
So uferlos
Die kalte See

Komm in mein Boot
Der Herbstwind hält
Die Segel straff

Jetzt stehst du da an der Laterne
Mit Tränen im Gesicht
Das Tageslicht fällt auf die Seite
Der Herbstwind fegt die Straße leer

Jetzt stehst du da an der Laterne
Hast Tränen im Gesicht
Das Abendlicht verjagt die Schatten
Die Zeit steht still und es wird Herbst

Komm in mein Boot
Die Sehnsucht wird
Der Steuermann

Komm in mein Boot
Der beste Seemann
War doch ich

Jetzt stehst du da an der Laterne
Hast Tränen im Gesicht
Das Feuer nimmst du von der Kerze
Die Zeit steht still und es wird Herbst

Sie sprachen nur von deiner Mutter
So gnadenlos ist nur die Nacht
Am Ende bleib ich doch alleine
Die Zeit steht still
Und mir ist kalt
Kalt
Kalt
Kalt
Kalt




Poétique et mélancolique, « Seemann » marque en quelque sorte une pause dans la dureté de l'album Herzeleid. Si on trouve toujours les riffs typiques de Rammstein, la voix de Lindemann se fait plus douce. Quant au texte, il semble lui aussi, au premier abord, moins brutal. Avec une très grande agilité et une maitrise des mots, Lindemann parvient ici à révéler avec subtilité, une fois encore, la complexité des sentiments humains.

En donnant le titre « Seemann » au texte, Lindemann pose d'emblée les thématiques auxquelles l'auditeur s'attend : solitude, froid et figures féminines. (J'écris ici « figures féminines » au pluriel à dessein, nous verrons cela plus loin.)

Le marin est ici le narrateur. Il s'adresse à une jeune fille : « Viens dans mon bateau […] Où veux-tu aller / Comme ça toute seule / À la dérive ». On pourrait penser, dans ce contexte, qu'il s'adresse à une prostituée : « Et te voilà maintenant auprès du réverbère / Le visage plein de larmes / La lumière du jour décline / Le vent d'automne balaie les rues ». On imagine ici le port solitaire et froid : le marin vient d'arriver et recherche une prostitué pour combler sa solitude. Nous pouvons d'ailleurs noter que tout le texte est emprunt de sous entendus sexuels exprimant le désir du marin. Si nous les prenons dans l'ordre, le narrateur exprime d'abord le désir qui est en lui, et cette envie est si forte qu'il la compare à une « tempête », « Une tempête se lève ». Il fait même référence à l'expression physique du désir, « Le vent d'automne gonfle / Les voiles », « les voiles » étant une métaphore pour désigner son sexe. Dans un second temps, il semble vouloir la convaincre ou lui plaire, expliquant que le désir guidera ses gestes, « Le désir sera / Le timonier », et qu'il est bon amant, « Le meilleur marin / C'était bien moi ». Enfin le vers « Tu prends le feu de la bougie » pourrait être interprété comme l'accomplissement de l'acte sexuel, le feu étant métaphore du désir et la bougie celle, encore une fois, du sexe.
On notera ici la subtilité dont fait preuve Lindemann en utilisant un vocabulaire de la navigation et du monde marin pour en faire des images du désir.

S'il y a bon nombre de sous entendus sexuels, le texte est surtout emprunt de mélancolie. Les références à la nuit et à l'automne parviennent à créer une atmosphère froide et solitaire : « La nuit tombe », « La mer glacée », « Le vent d'automne », etc. On note la volonté de Lindemann d'insister sur cette atmosphère : dans le texte le mot « automne » est répété quatre fois, il y a six références à la nuit ou à la fin du jour, et on trouve l'adjectif « glacée » ainsi que le mot « froid » répété à cinq reprises à la fin du texte.

Dans cette ambiance mélancolique et froide, Lindemann insiste sur la solitude des deux protagonistes. Il insiste surtout sur la solitude de la jeune femme : « Où veux-tu aller / Comme ça toute seule / À la dérive / Qui va te tenir la main / Quand tu seras / Entraînée vers le fond / Où t'en vas-tu / La mer glacée / N'a pas de rives ». Le narrateur s'inquiète pour elle et veut montrer une attitude bienveillante ici. « Qui va te tenir la main » demande-t-il dans une attitude bienveillante, presque en opposition avec toutes les images du désir sensuel que nous avons déjà relevé.

Le dernier couplet marque une rupture : « Ils n'ont parlé que de ta mère ». Lorsque l'on écoute pour la première fois les paroles de cette chanson, ce vers nous paraît très obscure. Pourquoi le marin qui va voir une prostituée lui parle-t-il se sa mère ? Nous pouvons alors nous demander pourquoi cet homme plein de désir lubrique après des semaines passées en mer s'inquiète-t-il autant pour cette prostituée ? Ce paradoxe que nous avons souligné précédemment est une clé d'interprétation du texte. Le marin ne va pas voir une prostituée, il va voir sa fille. Voilà pourquoi l'essentiel du texte repose sur l'inquiétude du narrateur pour cette jeune femme. Voilà également pourquoi Lindemann a fait tant d'effort pour faire transparaître de ce texte une mélancolie profonde. Le père est loin de sa fille, ils se sentent seuls et abandonnés l'un si loin de l'autre.

Dans ce contexte d'interprétation, nous pouvons mieux comprendre la vers : « Ils n'ont parlé que de ta mère ». En effet, le père ayant du partir, on a confier la garde de son enfant à sa mère, comme c'est très (trop?) souvent le cas lorsque un couple se sépare. Certaines métaphores sexuelles peuvent également s'interpréter autrement. « Viens dans mon bateau / Le vent d'automne gonfle / Les voiles » : le père demande ici à sa fille de prendre pour un moment la mer avec lui, de profiter d'être ensemble et de chasser la solitude le temps d'un voyage. C'est cela que signifie le vers « La lumière du soir chasse les ombres ». Ils se sont retrouvés et pour un soir ils ne sont plus seuls. « Tu prends le feu de ma bougie » est une manière de dire qu'il lui donne toute sa chaleur, tout son amour lors de ce trop bref instant partagé. Car, le marin doit reprendre la mer, le père doit repartir et la douce chaleur du moment passé laisse place à nouveau à la mélancolie : « À la fin je reste seul / Le temps se fige / Et j'ai froid / Froid... »

Peut-être serait-il juste de dire ici que Lindemann livre dans ce texte un peu de lui-même. Pour moi, ce texte fait écho à divers poèmes de son recueil Messer dont le sujet est sa fille Nele. On sent qu'il est proche d'elle et que leur relation est fusionnelle. On sait également que Lindemann s'occupait de sa fille avant que Rammstein rencontre le succès. Il a alors du la laisser à sa mère pour partir en tournée avec le groupe, etc. Dans ce contexte l'image du marin prenant la mer pour des longues périodes peut être celle du chanteur, du musicien qui doit laisser son enfant pour partir en tourner. Dès leur premier album, les membres de Rammstein sont déjà conscient des aléas de leur métier. Ils expriment cela dans « Seemann » avec beaucoup de poésie.

Toutefois, Lindemann ne peut s'empêcher de se monter provocateur. En effet, la seconde interprétation de la chanson n'annule pas la première. Il mélange à dessein ces deux sentiments paradoxaux : lubricité et bienveillance. Les deux figures féminines qui transparaissent dans ce texte, celle de la pute et celle de la fille, si on peut les distinguer, sont pourtant bel et bien réunies ici. C'est sans doute sa manière de montrer la force avec laquelle on peut aimer son enfant, un instinct si fort qu'il en devient presque du désir. Il y a de quoi être mal à l'aise face à la manière dont est traitée la thématique de l'inceste ici. Ce thème est très présent dans les deux premiers albums de Rammstein. Dans Herzeleid, il transparait dans « Seemann » et « Laichzeit », et dans Sehnsucht il en fera deux chansons : « Tier » et « Spiel mit mir ».

Au delà de l'aspect subversif de cette chanson, Lindemann montre encore et toujours sa capacité à saisir et à retranscrire la complexité des sentiments humains. Il est ici virtuose dans la capacité à faire passer à travers une seule métaphore, une seule image, une double réalité. Au centre de l'album Herzeleid, cette musique plus douce ne présente pas un thème moins dur que les autres chansons de cet opus et exprime aussi une autre « peine de coeur ».




vendredi 18 avril 2014

« Hilf mir » – Rosenrot

Ich war ganz allein zu Haus
Die Eltern waren beide aus
Da sah ich plötzlich vor mir stehen
Ein Schächtelchen nett anzusehen

Ei - sprach ich - wie schön und fein
Das muss ein trefflich Spielzeug sein
Ich zünde mir ein Hölzchen an
Wie's oft die Mutter hat getan

Immer wenn ich einsam bin
Zieht es mich zum Feuer hin
Warum ist die Sonne rund?
Warum werd ich nicht gesund?

Es greift nach mir ich wehr mich nicht
Springt mir mit Krallen ins Gesicht
Es beißt sich fest es schmerzt mich sehr
Ich spring im Zimmer hin und her

Oh weh, die Flamme fässt das Kleid
Die Jacke brennt es leuchtet weit
Es brennt die Hand es brennt das Haar
Ich brenn am ganzen Leib sogar

Immer wenn ich einsam bin
Zieht es mich zum Feuer hin
Warum ist die Sonne rund?
Warum werd ich nicht gesund?

Das Feuer liebt mich

Hilf mir, hilf mir
Das Feuer liebt mich nicht
Das Feuer liebt mich
Hilf mir, hilf mir
Das Feuer liebt mich nicht
Das Feuer liebt mich
Hilf mir, hilf mir
Das Feuer liebt mich nicht
Das Feuer liebt mich
Hilf mir, hilf mir
Das Feuer liebt mich nicht

Ich bin verbrannt mit Haut und Haar
Verbrannt ist alles ganz und gar
Aus der Asche ganz allein
Steig ich auf zum Sonnenschein

Das Feuer liebt mich
Das Feuer liebt mich
Das Feuer liebt mich
Das Feuer liebt mich, ja

Das Feuer liebt mich
Das Feuer liebt mich nicht
Das Feuer liebt mich
Das Feuer liebt mich nicht
Das Feuer liebt mich
Das Feuer liebt mich nicht
Das Feuer liebt mich
Das Feuer liebt mich nicht

Hilf mir
Hilf mir
Hilf mir
Hilf mir




« Hilf mir » est une chanson dont le texte est assez explicite et ne pose pas de problème particulier. Sa conception est très représentative de la manière dont Lindemann a écrit cet album. Ce texte raconte une histoire, presque un conte, et le narrateur, une jeune fille, nous fait son récit à la première personne. Malgré cette simplicité apparente, on peut voir à travers ce texte une histoire plus symbolique.

Le premier niveau de lecture nous raconte l'histoire d'une jeune fille pyromane; « Chaque fois que je suis seule / je suis attirée par le feu », qui se retrouve « seule à la maison ». Elle trouve « Cette petite boite si jolie à regarder » et décide « d’allumer une allumette ». Le feu est décrit comme un animal qui « veut [l']attraper [...] / [lui] saute au visage avec ses griffes / Plante ses dents et [lui] fait mal », la jeune fille devient une proie consentante, « je ne me défends pas ». Le feu s'étend rapidement dans la chambre, puis dans la maison entière, « Tout a brûlé, complètement ».

Le passage suivant, « Aide-moi, aide-moi / Le feu ne m'aime pas / Le feu m'aime » souligne un paradoxe dans ce que ressent la narratrice. Elle a besoin d'aide, elle considère cette attirance pour le feu comme une maladie. Elle a également besoin d'aide, qu'on la sauve des flammes, qu'on la sauve de la mort. Lorsqu'elle dit que le feu ne l'aime pas, elle fait allusion à la douleur qu'elle ressent. « Le feu m'aime » est une manière de dire que le feu est attiré par elle, qu'il a une volonté propre de s'emparer de son corps. Malgré ses appels à l'aide, elle va périr par le feu : « J'ai brûlé de la tête aux pieds / Tout a brûlé, complètement / Mais je sors seule de la cendre / Et je monte vers la lumière du soleil ». Ici, cette ascension vers le soleil symbolise sa mort.

Ce passage, lorsqu'elle « monte vers la lumière du soleil » peut également faire penser au conte d'Andersen, La petite fille aux allumettes. En effet, cette histoire raconte le sort d'une pauvre petite fille qui meurt de froid le soir de la saint Sylvestre. Elle va, pour se réchauffer, allumer les allumettes qu'elle était sensée vendre dans la journée, mais va mourir de froid. Dans une dernière vision, sa grand-mère récemment décédée la prend dans ses bras et l'emmène vers le ciel. Cette référence à Andersen ne serait pas impossible, dans la mesure où Rosenrot rend hommage à certains écrivains comme Goethe et le frères Grimm avec « Rosenrot ». C'était déjà le cas à l'époque de Mutter avec la chanson « Mein Herz brennt » qui s'inspirait de la nouvelle d'Hoffmann, L'Homme au sable. On pourrait voir ici une autre inspiration littéraire, pas allemande mais danoise, qui montre à quel point Lindemann reste sensible à toute une culture et une multitude de textes qui l'inspirent.

Au delà ce cette première narration et de cette référence littéraire, il me semble que l'on peut faire de ce texte une autre interprétation. On peut voir le feu comme une métaphore du désir. En effet, la jeune narratrice est une fille, en âge où ses parents peuvent la laisser seule à la maison, « Mes parents étaient tous les deux sortis ». Les allumettes, ce qui allume le feu, peuvent être vues comme une image de son sexe, ce « jouet extraordinaire » qui va allumer le désir, attiser le plaisir. Cette vision du feu comme image du plaisir féminin, je la justifie par les vers suivants : « Je vais allumer une allumette / Comme maman l'a souvent fait ». En effet, je pense que c'est à dessein que la narratrice fait référence à sa mère utilisant les allumettes et non à son père. De plus, elle souligne bien le fait que « Chaque fois [qu'elle] est seule / [Elle est] attirée par le feu », ainsi elle se laisse aller à ce jeu, envahir par le désir seulement lorsqu'elle est seule, évoquant le tabou qu'il y a autour de cela. C'est parce que c'est un sujet tabou, dont personne ne lui a jamais parlé qu'elle se croit malade, « Pourquoi ne suis-je pas guérie ? ». Dans cette interprétation le vers « Mon corps entier est en flamme » prend tout son sens.

Ainsi le paradoxe de son appel à l'aide, du feu qui l'aime et qui ne l'aime pas montre ce que la jeune fille peut ressentir lors de la découverte de son corps et de ces sensations si particulières et nouvelles. Le plaisir féminin est assez particulier, provoque une électricité depuis le clitoris qui s'étend dans toutes les parties du corps. Cette sensation n'est pas d'emblée agréable. L'opposition « Le feu ne m'aime pas / Le feu m'aime » peut faire référence à la découverte et l'apprentissage de ces sensations. Les appels à l'aide ne sont que l'expression d'un besoin d'explication et vont de paire avec les deux questions qu'elle répète : « Pourquoi le soleil est-il rond ? / Pourquoi ne suis-je pas guérie? ». Elle demande à ce qu'on lui explique le sens de la vie, le sens de ce qu'elle ressent. Dans cette interprétation, le dernier couplet prend lui aussi un sens symbolique. « J'ai brûlé de la tête aux pieds / tout a brûlé, complètement » évoque ainsi son premier orgasme. C'est une mort symbolique. En effet, la petite fille est mort et c'est un autre être, une jeune femme qui naît; « Mais je sors seule de la cendre », et qui va s'épanouir complètement, « Et je monte vers le soleil », naître à la vie d'adulte.

Une fois encore Lindemann montre ses incroyables ressources poétiques. Sous l'aspect d'une narration faisant référence à un conte populaire, il symbolise l'apprentissage de la vie. Nous pouvons d'ailleurs souligner le fait qu'exceptionnellement le narrateur est une narratrice, ce qui montre son observation de la nature humaine. Et c'est peut-être ici aussi l'expérience de père qui s'exprime. A-t-il vu ce changement chez ses filles? Son incapacité en tant qu'homme à comprendre et à parler de ceci ? Quoi qu'il en soit, Rammstein nous sert une fois de plus un texte à la fois simple et riche, qui montre un groupe au sommet de son art.



jeudi 17 avril 2014

« Do riechst so gut » / « Waidmanns Heil » - Herzeleid / Liebe ist für alle da


Du riechst so gut

Der Wahnsinn
Ist nur eine schmale Brücke
Die Ufer sind Vernunft und Trieb
Ich steig dir nach
Das Sonnenlicht den Geist verwirrt
Ein blindes Kind das vorwärts kriecht
Weil es seine Mutter riecht

Ich finde dich

Die Spur ist frisch und auf die Brücke
Tropft dein Schweiß dein warmes Blut
Ich seh dich nicht
Ich riech dich nur Ich spüre Dich
Ein Raubtier das vor Hunger schreit
Wittere ich dich meilenweit

Du riechst so gut
Du riechst so gut
Ich geh dir hinterher
Du riechst so gut
Ich finde dich
So gut
So gut
Ich steig dir nach
Du riechst so gut
Gleich hab ich dich

Jetzt hab ich dich

Ich warte bis es dunkel ist
Dann fass ich an die nasse Haut
Verrate mich nicht
Oh siehst du nicht die Brücke brennt
Hör auf zu schreien und wehre dich nicht
Weil sie sonst auseinander bricht

Du riechst so gut
Du riechst so gut
Ich geh dir hinterher
Du riechst so gut
Ich finde dich
So gut
So gut
Ich steig dir nach
Du riechst so gut
Gleich hab ich dich

Du riechst so gut
Du riechst so gut
Ich geh dir hinterher
Du riechst so gut
Ich finde dich
So gut
So gut
Ich fass dich an
Du riechst so gut
Jetzt hab ich dich

Du riechst so gut
Du riechst so gut
Ich geh dir hinterher

Waidmanns Heil








Ich bin in Hitze schon seit Tagen
So werd ich mir ein Kahlwild jagen
Und bis zum Morgen sitz ich an
Damit ich Blattschuss geben kann

Auf dem Lande auf dem Meer
Lauert das Verderben
Die Kreatur muss sterben
Sterben

Ein Schmaltier auf die Läufe kommt
Hat sich im hohen Reet gesonnt
Macht gute Fährte tief im Tann
Der Spiegel glänzt ich backe an

Der Wedel zuckt wie Fingeraal
Die Flinte springt vom Futteral
Waidmanns Heil
Ich fege mir den Bast vom Horn
Und geb ihr ein gestrichenes Korn
Waidmanns Heil

Auf dem Lande auf dem Meer
Lauert das Verderben
Die Kreatur muss sterben
Waidmanns Heil
Sterben
Waidmanns Heil

Sie spürt die Mündungsenergie
Feiner Schweiß tropft auf das Knie
Auf dem Lande auf dem Meer
Lauert das Verderben
Die Kreatur muss sterben
Waidmanns Heil
Sterben
Waidmanns Heil
Auf dem Lande auf dem Meer
Lauert das Verderben
Waidmanns Heil
Auf dem Lande auf dem Meer
Waidmanns Heil














Il me paraît intéressant de faire un commentaire comparé des ces deux textes qui présentent une même image, celle de la chasse, de la traque, pour évoquer le jeu de séduction et l'acte sexuel.

Dans ces deux chansons le point de vue adopté est celui du chasseur. On remarque tout de même un certaine nuance : dans « Du riechst so gut » le narrateur est un prédateur qui poursuit sa proie « je te sens / Comme une bête sauvage qui cire parce qu'elle à faim / Je te renifle à des lieues à la ronde », alors qua dans « Waidmanns Heil » il s'agit d'un chasseur tuant du gibier « je vais aller chasser du gibier femelle / Et je resterai à l'affût jusqu'au matin / Pour pouvoir épauler et tirer ».

Dans chacun des textes, c'est toujours l'instinct et la pulsion qui guide l'acte du narrateur, « Depuis des jours déjà, je suis en chaleur » (WH), « La folie / n'est qu'un mince passerelle / Entre deux rives que sont la raison et l'instinct ». Une force non maîtrisée pousse à chaque fois le personnage à partir en chasse. Cette notion d'instinct est mise en valeur par un champs lexical des sens, « un enfant aveugle », « il sent sa mère », « Je ne te vois pas », « Je te flaire seulement, je te sens », « Je te renifle à des lieues à la ronde », « Tu sens si bon », « ta peau moite » (DRSG), « à l'affût », « Elle ressent l'énergie », (WH). On remarquera une certaine différence entre les deux chansons puisque « Waidmanns Heil », du point de vue de l'être humain qui chasse fait surtout une description visuelle du gibier, alors que dans « Du riechst so gut » l'animal traque grâce à son odorat.

Cette mise en valeur des sens a une évolution identique dans les deux textes : on passe d'une description olfactive (DRSG) ou visuelle (WH) à celle du toucher. Tous ces éléments tendent vers une métaphore filée : celle de la chasse/la traque pour décrire le jeu de séduction et l'acte sexuel. À chaque fois le rapport physique est décrit par la « peau moite » (DRSG) et la « sueur ». Comme souvent dans les textes de Lindemann, la violence est très présente et les deux textes tendent à décrire un viol. Ceci est assez clair dans la première chanson : « Arrête de crier et de te débattre », la victime n'est pas consentante. Ceci est moins évident dans « Waidmanns Heil » où il n'est pas question de résistance de la par de la proie.

Ainsi malgré ses points communs entre les deux textes, on commence à percevoir une certaine nuance. Dans la chanson de 1994 le plaisir éprouvé par le narrateur est la traque elle-même : les couplets insistent particulièrement sur les sens à l'affût, l'excitation provoquée par la course, par la peur de l'autre. Lorsqu'il s'agit d'évoquer le rapport sexuel lui-même le narrateur parle déception. « Oh, ne vois-tu pas le pont brûler / Arrête de crier et de te débattre / Sinon le pont va s'effondrer » : ici l'image du pont et du feu évoque explicitement le désir. Si le prédateur brûle de désir pendant qu'il poursuit la créature, au moment de passer à l'acte il s'éteint, ce sont les dernières flammes. On peut remarquer ici que si le « pont » est l'image du désir abstrait il peut aussi désigner le sexe de l'homme qui « s'[effondre] » lorsque le désir disparaît.

« Waidmanns Heil » se concentre autant sur la traque, le chasseur en embuscade, que sur l'acte physique. « La queue drétille comme une anguille / le fusil surgit du fourreau / [...] / J'enlève la filasse de mes cornes / Et la vise plein pot » : Lindemann décrit ici, avec un second degré certain, le sexe de l'homme en érection puis la pénétration. L'utilisation de termes de chasse très techniques ajoute effectivement un ton humoristique au texte, ton qui n'est absolument pas présent dans « Du riechst so gut ». On reste dans ce ton décalé au couplet suivant pour décrire la conclusion de l'acte sexuel : « Elle ressent l'énergie jaillie de la gueule du canon / Quelques gouttes de sueur tombent sur le genou ». Lindemann se montre riche de métaphores pour décrire le sperme, ici les « gouttes de sueurs », le « miel » dans « Bück dich », le « rêve blanc » dans « Spiel mit mir » et j'en passe.

Je me permets d'avancer un peu plus dans l'interprétation et de faire toujours le même constat : chez Rammstein le rapport homme-femme n'est jamais simple. Il s'agit toujours un rapport de force. L'homme doit se montrer plus fort, doit dominer la situation, doit blesser aussi. Il suffit de regarder des textes comme « Wollt Ihr das Bett in Flammen sehen », « Weißes Fleisch », « Klavier », « Rein raus », « Rosenrot », « Feuer und Wasser » ou encore « Liebe ist für alle da » pour voir une profonde incompréhension mutuelle. Il serait d'ailleurs intéressant de comparer ces chansons et d'écrire un article sur les relations homme-femme chez Rammstein. Peut-être trouverais-je un jour le courage de la faire.

Ainsi les deux chanson renouent avec un univers commun, toutefois, à quinze année d'intervalle, la comparaison montre une évolution dans l'écriture de Lindemann. « Do riechst so gut » semble plus grave, plus sérieuse : on parle d'un viol, le narrateur prend possession totale de la parole, c'est à dire qu'on ne voit aucune marque de l'auteur qui mettrait une certaine distance. Ceci va être le cas dans « Waidmanns Heil ». En effet, lorsque je soulignais le fait qu'il y avait un second degré dans la description de l'acte sexuel, je voulais montrer que Lindemann, en tant qu'auteur, se détache du narrateur. Il rit de l'action qui se produit, et il rit sans doute de lui-même. Les deux textes, si proches sont intéressants à mettre l'un en face de l'autre, ils sont à l'image de l'évolution d'une jeunesse qui se prend au sérieux, vers une certaine maturité donnant la capacité de rire de soi-même. 

jeudi 13 février 2014

"Los" - Reise, Reise

Wir waren namenlos
Und ohne Lieder
Recht wortlos
Waren wir nie wieder

Etwas sanglos
Sind wir immer noch
Dafür nicht klanglos
Man hört uns doch

Nach einem Windstoß
Ging ein Sturm los
Einfach beispiellos
Es wurde Zeit

Los

Sie waren sprachlos
So sehr schockiert
Und sehr ratlos
Was war passiert

Etwas fassungslos
Und garantiert
Verständnislos
Das wird zensiert

Sie sagten grundlos
Schade um die Noten
So schamlos
Das gehört verboten

Es ist geistlos
Was sie da probieren
So geschmacklos
Wie sie musizieren

Es ist hoffnungslos
Sinnlos
Hilflos
Sie sind gottlos

Wir waren namenlos
Wir haben einen Namen
Waren wortlos
Die Worte kamen

Etwas sanglos
Sind wir immer noch
Dafür nicht klanglos
Das hört man doch

Wir sind nicht fehlerlos
Nur etwas haltlos
Ihr werdet lautlos
Uns nie los

Wir waren namenlos
Und ohne Lieder
Recht wortlos
Waren wir nie wieder

Etwas sanglos
Sind wir immer noch
Dafür nicht klanglos
Man hört uns doch

Nach einem Windstoß
Ging ein Sturm los
Einfach beispiellos
Wurde zeitlos

Wir waren los
Wir waren los



Reise, Reise constitue sans doute l'album le plus personnel du groupe. S'il marque musicalement un tournant, ainsi qu'une sorte de renaissance après Mutter, les membres de Rammstein parviennent à prendre du recul sur leurs relations (cf. « Ohne dich ») et regardent derrière eux le chemin parcouru. « Los » raconte sans détour les débuts du groupe, les critiques et la censure, mais voit aussi en direction de l'avenir, la machine est lancée : « C'est parti ! ».

Cette chanson mêle ton revendicateur et ironie, ressenti sincère et mise à distance. Si le texte parle du groupe, le style est aussi à son image, entre besoin de création et auto-dérision. Ce paradoxe est révélé dès la première partie composée des trois premier couplets. Lindemann commence par évoquer le besoin vital de créer, de composer, d'écrire pour vivre. « Nous étions sans nom (anonymes) / Et sans chanson », ils sont partis de rien, étaient presque sans existence, sans notoriété non plus. Chez Rammstein création artistique et notoriété sont des éléments qui à partir de cet album serons sans cesse en lien (cf « Ein Lied » et « Rammlied ») et ils semblent ici prendre conscience de cette célébrité : « Encore un peu sans tambour / Nous le sommes toujours / En revanche pas sans trompette / On nous entend bien tout de même ». En détournant l'expression « sans tambour ni trompette » Lindemann évoque à la fois cette notoriété, le fait qu'ils soient parvenus à se faire entendre ; mais en écrivant qu'ils n'ont que les trompettes il dit que ce n'est pas grand chose, que ce n'est pas important, que ce n'est que du vent.

Du vent. Ce n'est rien. Et pourtant : « Après une bourrasque / Une tempête s'est levée / Simplement sans précédent (inqualifiable) ». Ce que Rammstein a produit a déclenché une véritable tempête, dans le sens où ils ont fait parlé d'eux. Mais c'est également une manière de définir leur style musical, qu'ils ont toujours voulu comme quelque chose de neuf, d'original : « Il était temps ».

La seconde partie du texte évoque la manière dont le groupe et sa musique ont été perçu à la fois par le public et la critique. Et la première réaction est la stupéfaction : « Ils étaient sans voix / Tellement choqués / Et vraiment perplexes / Que s'était-il passé ? ». Après le choc et l'incompréhension ce sera la censure : « Ce sera censuré / […] / Ça sera interdit ». Rammstein pointe du doigt la manière dont ils ont été jugé, sans vraiment être compris. Leur musique a été qualifié « d'impudique », « inepte (sans intelligence) » et de « mauvais goût ». Lindemann insiste sur l'unicité, la nouveauté de ce qu'ils ont produit, d'où la surprise, l'incompréhension et la censure. Et ce pourquoi on les montre de doigt, le membres du groupe en ferons une véritable marque de fabrique : « C'est sans espoir / Sans aucun sans / Il n'y a rien à faire / Ils sont sans Dieu (athées, abandonnés de Dieu) ». Ce que la critique a jugé comme étant des défauts condamnables, le groupe en a fait une force : « Nous ne sommes pas sans défauts / Seulement un peu instables ». C'est en partie grâce aux polémiques et aux condamnations qu'ils avancent et qu'ils veulent toujours aller plus loin : « Vous ne vous débarrasserez jamais / De nous sans bruit ». La « bourrasque » qu'était le groupe à ses débuts est devenu une véritable « tempête » attisée par les condamnations.

« Los » revendique sur un ton très provocateur ce qui fait l'essence du groupe : le besoin vital de créer, de notoriété, de provoquer. Cette chanson dit aussi à ceux qui l'on critiqué, condamné, qu'ils sont les créateurs du monstre qu'est Rammstein. Lindemann affirme à travers ce texte que s'il n'y avait pas eu les scandales (accusations de nazisme notamment) le groupe ne serait pas ce qu'il est devenu. Ainsi, si le besoin de composer, de faire de la musique, leurs est indispensable en tant qu'individus, le succès n'est pas le seul résultat de leur talent. Il y a une part de hasard, des choses qui leurs ont échappé. Ce qui devait les rabaisser, les blesser, les abattre est devenu une arme qu'ils se sont appropriés avec une certaine ironie et un détachement. Le ton ironique et la mise à distance souligne la futilité à la fois de ce qu'ils font et des réactions qu'ils ont pu provoquer.


« Los » et plus largement l'album Reise, Reise, témoigne d'une véritable maturité dont fait preuve Rammstein. Ils ont commencé la musique et composé en se faisant simplement plaisir, en voulant affirmer leur identité. Mais ils ont bien conscience que certaines choses leurs ont échappé. Alors face au succès ils assume d'autant plus leur cynisme, qui semble désormais faire partie de ce qu'est Rammstein.