lundi 16 décembre 2013

"Engel" - Sehnsucht

Wer zu Lebzeit gut auf Erden
Wird nach dem Tod ein Engel werden
Den Blick gen Himmel fragst du dann
Warum man sie nicht sehen kann

Erst wenn die Wolken schlafen gehen
Kann man uns am Himmel sehn
Wir haben Angst und sind allein

Gott weiss ich will kein Engel sein

Sie leben hinterm Sonnenschein
Getrennt von uns unendlich weit
Sie müssen sich an Sterne krallen
Ganz fest
Damit sie nicht vom Himmel fallen

Erst wenn die Wolken schlafen gehen
Kann man uns am Himmel sehn
Wir haben Angst und sind allein

Gott weiss ich will kein Engel sein
Gott weiss ich will kein Engel sein
Gott weiss ich will kein Engel sein

Erst wenn die Wolken shlafen gehen
Kann man uns am Himmel sehn
Wir haben Angst und sind allein

Gott weiss ich will kein Engel sein (X5)



Je fais ici quelques remarques sur « Engel » : il n'est pas question de trouver un sens multiple ou caché à ce texte, il n'y en a pas.

Pour commencer nous pouvons remarquer que Lindemann prend à la fois une image très commune, toutefois il ne l'utilise pas dans le sens attendu. En effet, à la lecture du titre nous avons tendance à imaginer que la chanson rend hommage à un être, qui a apporté la paix intérieure au narrateur. Toutefois le sujet du texte est tout autre.

Les paroles sont constituées autour d'un dialogue entre le narrateur et les anges. Le texte débute sur un constat du narrateur, « Celui qui, de son vivant, est bon sur la Terre / Deviendra un ange après la mort ». La religion promet à celui qui vit en dehors du pécher une vie meilleure après la mort. Mais cette promesse est immédiatement remise en question, « Le regard tourné ver le ciel, tu te demandes alors / Pourquoi on ne peut les voir ». La voix des anges arrive alors à nos oreille et nous révèle leur souffrance : « Lorsque les nuages se couchent / On peut nous voir dans le ciel / Nous avons peur et sommes seuls ». Le paradis promis n'existe pas, les anges sont des êtres abandonnés dans le néant, sans avenir, sans espoir.

Le second couplet est une description de la solitude et du mal être des créatures célestes. « Ils vivent derrière les rayons du soleil / Séparés de nous, infiniment loin / Ils doivent s'agripper aux étoiles / Très fortement / Pour ne pas tomber du ciel » : leur existence est dans la froideur, la solitude et un combat permanent pour rester dans les cieux, ne pas tomber dans l'oublie et dans le néant. La description de la vie des anges est à l'image de l'existence humaine, la vie dans l'au-delà n'est pas un idéal, les souffrances restent les mêmes.

Le narrateur, ayant entendu les pleurs des anges crie alors : « Dieu sais que ne ne veux pas être un ange ». Cette simple affirmation signifie qu'après avoir reçu le message des anges, le narrateur ne croit pas à la vie éternelle, ni au paradis, alors peu importe d'être bon ou de vivre dans le pécher. Cette phrase peut alors vouloir dire « je ne veux pas être sage, je ne veux pas qu'on m'impose de règles ».

Ce texte peut être lu comme l'expression d'un nihilisme total, le narrateur refuse qu'on lui impose une morale, une vision manichéenne du monde, et par extension affirme que Dieu n'existe pas. De ce point de vue, la phrase leitmotiv de la chanson, « Dieu sais que ne ne veux pas être un ange », prend un sens ironique, le narrateur s'adresse à un être dont il nie l'existence.


On remarque que « Engel », texte tout en sobriété, contient un message fort : Rammstein affirme une volonté d'existence sans limite, se dégage de toutes les croyances imposées par l'éducation et les traditions. Le rejet de la morale devient alors l'affirmation d'un carpe diem (il faut profiter de cette existence ci car rien ne nous attend après, ni paradis, ni enfer), et d'une liberté totale. On remarque d'ailleurs que les références religieuses, présentes dans les albums Herzleid et Sehnsucht, disparaissent dans les opus suivants, et lorsqu'elle seront présente, elles seront empruntes d'une ironie exacerbée. 

lundi 9 décembre 2013

"Ein Lied" - Rosenrot

Wer Gutes tut dem wird vergeben
So seid recht gut auf allen Wegen
Dann bekommt ihr bald Besuch
Wir kommen mit dem Liederbuch

Wir sind für die Musik geboren
Wir sind die Diener eurer Ohren
Immer wenn ihr traurig seid
Spielen wir für euch

Wenn ihr ohne Sünde lebt
Einander brav das Händchen gebt
Wenn ihr nicht zur Sonne schielt
Wird für euch ein Lied gespielt

Wir sind die Diener eurer Ohren
Wir sind für die Musik geboren
Immer wenn ihr traurig seid
Spielen wir für euch

Wenn ihr nicht schlafen könnt
Sei euch ein Lied vergönnt
Und der Himmel bricht
Ein Lied fällt weich vom Himmelslicht

Wir sind für die Musik geboren
Wir sind die Diener eurer Ohren
Immer wenn ihr traurig seid
Spielen wir für euch

Wir sind für die Musik geboren
Wir sind die Diener eurer Ohren
Immer wenn ihr traurig seid
Spielen wir für euch




C'est à travers cette chanson que Rammstein s'adresse pour la première fois de manière directe à ses auditeurs : « Nous » (les membres du groupes) s'adressent à « Vous » (le public). Le groupe s'adressera à nouveau directement à ses admirateurs à travers « Rammlied », les deux textes ayant une parenté assumée, rien qu'à travers la lecture des titres : « Lied » (chanson). Le traitement de la thématique est elle aussi commune, puisque Lindemann va à la fois exprimer le dévouement du groupe pour ses auditeurs, tout en laissant un goût amer et presque ironique, alliance témoignant d'une véritable sincérité et d'une capacité d'analyse.

Ce qui me semble à prendre, dans un premier temps, au premier degré, et qui est touchant de sincérité, ces sont d'abord les mots du refrain : « Nous sommes nés pour la musique / Nous sommes les serviteurs de vos oreilles / Chaque fois que vous êtes tristes / Nous jouons pour vous ». Rammstein n'a de cesse d'exprimer dans un premier temps son amour pour la musique, ils ont été créé pour cela, c'est leur but, leur destin. Et à travers la musique, leur vocation est de panser les plaies intérieures, à la fois les leurs mais aussi celles des auditeurs. Cette chanson, on le comprend dès le titre, est alors un éloge de la musique, car elle est capable de guérir les blessures à la fois de ceux qui la jouent et de ceux qui l'écoute : « Quand vous ne pouvez pas dormir / Une chanson vous sera offerte / Et quand le ciel se brise / Une chanson tombe doucement de la lumière du ciel ». On trouve dans ce couplet le double aspect bénéfique de la musique : qui guérie ceux qui l'écoutent, nous pouvons ici souligner que la première moitié de ce couplet fait référence à l'enfance, puisque qu'on chante pour bercer ceux qui ne parviennent pas à s'endormir ; musique qui naît également du mal et des angoisses profonde, l'image du ciel qui se déchire est à l'image du cœur qui saigne, et de ce mal va naître une chose belle et bénéfique. Lindemann définit ici la musique comme une véritable fleur du Mal.

Lorsque j'ai fait l'analyse de « Rammlied » j'ai fait une faute de frappe en intervertissant les deux voyelles du mot « lied ». On remarque alors ici qu'en allemand les termes « chanson » et « mal » sont très proche, puisque « leid » se traduit « mal ». Ce lapsus que j'ai fait semble assez révélateur et prend un sens intéressant à la lecture de ce texte, dans lequel Rammstein souligne se lien étroit entre la musique qui naît du mal et qui en est à la fois le remède. On pourra d'ailleurs faire le même genre de remarques concernant « Rammlied ».

Il faut maintenant remarquer le champ lexical prédominant dans ce texte, il s'agit d'un vocabulaire religieux (« pardon », « serviteurs, « péché ») et plus précisément celui du « bien » (« bons », « sagement »). Le message des deux premiers couplets est clair, il faut être bon pour avoir droit à une chanson : « Qui fait le bien sera pardonné / Ainsi soyez bons comme il faut sur tous les chemins/ […] / Si vous vivez sans péché / Donnez sagement votre petite main les unes aux autres / Si vous ne lorgnez pas vers le soleil / Une chanson sera jouée pour vous ». Ces paroles font explicitement écho à la religion, il faut être un bon chrétien, renoncer au péché, ne pas céder à la tentation afin de pouvoir accéder au royaume de Dieu.

Ça y est, le mot est écrit. Dieu.
Dieux.
Oui, dans cette chanson ce sont bien nos six musiciens qui tiennent le rôle de la divinité. Ce sont eux qui ont le pouvoir de nous récompenser ou non par une chanson.

On touche alors ici l'aspect ironique et paradoxal du texte : les membres de Rammstein sont sincèrement heureux de composer et jouer, que leurs chansons trouvent un écho chez leurs admirateurs, d'avoir un lien si particulier avec eux. Mais voilà, arrive le revers de la médaille : ce qui devait être une relation égale et mutuelle s'est transformée en une relation d'admiration dans laquelle le groupe se trouve sur un piédestal dont il ne veut pas.

Nous comprenons alors que tout le champ lexical du bien est chargé d'ironie, parce qu'il prend le contre pied de toutes les thématiques du groupe, et plus particulièrement de Rosenrot. En effet, cet album présente des narrations dans lesquelles les personnages ne sont pas sages et se laissent aller à leurs pulsions.

Lindemann fait ici preuve d'une capacité analytique exceptionnelle. En effet, il ne se contente pas de se plaindre de ce statut de divinité, mais il est capable d'en jouer. Cette chanson dit aux admirateurs : « vous souhaitez faire de nous des dieux, alors nous allons être vos dieux ! ». La finesse avec laquelle il a écrit ce texte montre à quel point le groupe prend du recul sur ce qu'il est. C'est sans doute ça qui fait leur valeur : s'ils jouent de leur statut, ils semblent aussi savoir où est leur place, et ont conscience qu'il ne sont rien de plus que de simples êtres humains, tout comme cette foule qui les acclame.

« Ein Lied » est bien la chanson d'un véritable paradoxe : elle fait l'éloge de l'acte de création, rend hommage aux fans, toutefois elle décrit aussi les aspects négatifs de la notoriété du groupe et cette déification qui creuse un véritable gouffre entre eux et leurs fans. Ce qui unie, la musique et les textes, finie par éloigner. C'est pour cela que cette chanson est véritablement touchante : Rammstein se met à nu et fait preuve de sincérité envers son public. On retrouvera ce paradoxe dans « Rammlied », texte dans lequel les mêmes thématiques, seront abordées. Les deux chansons se font alors véritablement écho : alors que « Ein Lied » conclu Rosenrot, « Rammlied » ouvrira Liebe ist für alle da.




vendredi 6 décembre 2013

"Amour" - Reise, reise

Die Liebe ist ein wildes Tier
Sie atmet dich sie sucht nach dir
Nistet auf gebrochenen Herzen
Geht auf Jagt bei Kuss und Kerzen
Saugt sich fest an deinen Lippen
Gräbt sich Gänge durch die Rippen
Lässt sich fallen weich wie Schnee
Erst wird es heiß dann kalt am Ende tut es weh

Amour Amour
Alle wollen nur dich zähmen
Amour Amour am Ende
Gefangen zwischen deinen Zähnen

Die Liebe ist ein wildes Tier
Sie beißt und kratzt und tritt nach mir
Hält mich mit tausend Armen fest
Zerrt mich in ihr Liebesnest
Frisst mich auf mit Haut und Haar
Und würgt mich wieder aus nach Tag und Jahr
Lässt sich fallen weich wie Schnee
Erst wird es heiß dann kalt am Ende tut es weh

Amour Amour
Alle wollen nur dich zähmen
Amour Amour am Ende
Gefangen zwischen deinen Zähnen

Die Liebe ist ein wildes Tier
Sie atmet dich sie sucht nach dir
Nistet auf gebrochenen Herzen
Geht auf Jagt bei Kuss und Kerzen
Frisst mich auf mit Haut und Haar
Und würgt mich wieder aus nach Tag und Jahr
Lässt sich fallen weich wie Schnee
Erst wird es heiß dann kalt am Ende tut es weh

Amour Amour
Alle wollen nur dich zähmen
Amour Amour am Ende
Gefangen zwischen deinen Zähnen

Die Liebe ist ein wildes Tier
In die Falle gehst du ihr
In die Augen starrt sie dir
Verzaubert wenn ihr Blick dich trifft

Die Liebe ist ein wildes Tier
In die Falle gehst du ihr
In die Augen starrt sie dir
Verzaubert wenn ihr Blick dich trifft

Bitte bitte gib mir Gift
Bitte bitte gib mir Gift
Bitte bitte gib mir Gift
Bitte bitte gib mir Gift



Avec ce texte Lindemann aborde l'un de ses sujets de prédilection : l'amour et les peines qu'il nous cause. Toutefois, il ne se contente pas de décrire une énième peine de cœur, mais il semble avoir gagné une certaine maturité. En effet, l'Amour est personnifié sous les traits d'un « bête sauvage ». Cette capacité à la métaphore est la preuve d'une véritable maturité dans l'écriture et d'un recul prit par rapport au vécu et aux sentiments éprouvés.

Est présente ici une image chère à Lindemann, l'assimilation des sentiments et de la relation amoureuse à l'idée de traque. Toutefois, ce n'est pas la narration d'une séduction (comme c'est le cas dans « Du riechst so gut » ou « Waidmanns Heil »), mais la description de la manière dont on s'éprend. Nous, auditeurs, et narrateur, sommes la proie de l'Amour qui « Part en chasse autour de baisers et de bougies » et que nous voulons absolument « dompter ». Malheureusement, nous finissons « capturés entre [ses] dents ».

Cette « bête sauvage » sait se faire douce et agréable pour mieux nous toucher puisqu'elle « Dépose des baisers comme des ventouses sur tes lèvres / Creuse des couloirs à travers tes côtes / Se laisse tomber douce comme la neige / D'abord, ça devient brûlant, puis froid, à la fin ça fait mal ». C'est avec beaucoup de justesse que Lindemann décrit l'évolution du sentiment qui laisse d'abord une douce sensation mais qui fini par nous blesser parce qu'il s'immisce dans tout notre être, toute notre âme. Les deux premiers couplets témoignent de cette évolution : le vocabulaire du premier couplet évoque des choses agréables, les « baisers », les « bougies » même si on ressent un certain malaise (« cœur brisé »), la « bête » se contente de « te [respirer], te [poursuivre] ». Dans un deuxième temps, l'Amour se fait violent et torture le narrateur : « Elle mord, me griffe et me donne des cours de pieds / Me tient avec mille bras / Me traîne dans son nid d'amour / Me bouffe corps et âme / Me vomit après un jour ou une année ». On reconnaît ici l'aspect viscéral de l'écriture de Lindemann qui va jusqu'à décrire la digestion de cette bête, qui nous rabaisse plus bas que terre, nous réduit à de la simple nourriture.

La métaphore qui assimile l'amour à une « bête sauvage » est présente jusque dans les sonorités du texte avec des allitérations en R (que Lindemann fait particulièrement bien ressortir dans son chant) qui laissent entendre la respiration et le grognement de la créature en chasse. Ces sonorités se font d'ailleurs trainantes et réalistes sur le fin de chaque vers : « Tier », « nach dir », « Herzen », « Kerzen », « Amour », « nach mir », « Haar », « Jahr », etc.

« Amour » est une chanson au texte très riche. En plus de cette description, à la fois juste et imagée, de ce qui constitue la plus grande partie des vies humaines, le texte propose un jeu de miroir entre les pronoms « je » et « tu ». Au cours du premier couplet c'est le « tu » qui est à l'honneur, le narrateur s'adresse directement à l'auditeur, l'incluant explicitement dans son discours, rappelant ainsi qu'il décrit un sort commun à toute l'Humanité. Dans le second couplet le narrateur s'exprime à la première personne exprimant ainsi les douleurs profondes que cause l'amour dans nos cœurs et nos âmes. Ce glissement entre les deux couplets représente les deux personnes qui s'aiment et se rapprochent. Le troisième couplet, mélange entre les deux premier (alterne donc le « tu » puis le « je ») est sans doute l'image de l'union, l'entremêlement des deux êtres, jusqu'au déchirement final, puisque la phrase finale, répétée à quatre reprises, est un véritable appel à l'aide : « S'il te plaît, s'il te plaît, donne-moi du poison ». Ainsi nous sommes les proies, les prisonniers de l'Amour et la seule délivrance possible face aux souffrances de cet enlèvement et de ces tortures est la mort.

Marqué par les grandes thématiques chères à Lindemann, Sentiments – Violence, « Amour » est bien le texte de la maturité. La mise à distances des Peines de cœurs dans la capacité à les métaphoriser, et une maîtrise de l'écriture poétique dans ce qu'elle a de plus complet (les images produites et la composition même du texte) font de ce texte un des plus aboutis (selon moi) de Rammstein.