Komm in mein Boot
Ein Sturm kommt auf
Und es wird Nacht
Wo willst du hin
So ganz allein
Treibst du davon
Wer hält deine Hand
Wenn es dich
Nach unten zieht
Wo willst du hin
So uferlos
Die kalte See
Komm in mein Boot
Der Herbstwind hält
Die Segel straff
Jetzt stehst du da an der Laterne
Mit Tränen im Gesicht
Das Tageslicht fällt auf die Seite
Der Herbstwind fegt die Straße leer
Jetzt stehst du da an der Laterne
Hast Tränen im Gesicht
Das Abendlicht verjagt die Schatten
Die Zeit steht still und es wird Herbst
Komm in mein Boot
Die Sehnsucht wird
Der Steuermann
Komm in mein Boot
Der beste Seemann
War doch ich
Jetzt stehst du da an der Laterne
Hast Tränen im Gesicht
Das Feuer nimmst du von der Kerze
Die Zeit steht still und es wird Herbst
Sie sprachen nur von deiner Mutter
So gnadenlos ist nur die Nacht
Am Ende bleib ich doch alleine
Die Zeit steht still
Und mir ist kalt
Kalt
Kalt
Kalt
Kalt
Poétique et mélancolique, « Seemann »
marque en quelque sorte une pause dans la dureté de l'album
Herzeleid. Si on trouve
toujours les riffs typiques de Rammstein, la voix de Lindemann se
fait plus douce. Quant au texte, il semble lui aussi, au premier
abord, moins brutal. Avec une très grande agilité et une maitrise
des mots, Lindemann parvient ici à révéler avec subtilité, une
fois encore, la complexité des sentiments humains.
En donnant le titre
« Seemann » au texte, Lindemann pose d'emblée les
thématiques auxquelles l'auditeur s'attend : solitude, froid et
figures féminines. (J'écris ici « figures féminines »
au pluriel à dessein, nous verrons cela plus loin.)
Le
marin est ici le narrateur. Il s'adresse à une jeune fille :
« Viens dans mon bateau […]
Où veux-tu aller / Comme ça toute seule / À la dérive ». On
pourrait penser, dans ce contexte, qu'il s'adresse à une
prostituée : « Et te voilà maintenant auprès du
réverbère / Le visage plein de larmes / La lumière du jour décline
/ Le vent d'automne balaie les rues ». On imagine ici le port
solitaire et froid : le marin vient d'arriver et recherche une
prostitué pour combler sa solitude. Nous pouvons d'ailleurs noter
que tout le texte est emprunt de sous entendus sexuels exprimant le
désir du marin. Si nous les prenons dans l'ordre, le narrateur
exprime d'abord le désir qui est en lui, et cette envie est si forte
qu'il la compare à une « tempête », « Une tempête
se lève ». Il fait même référence à l'expression physique
du désir, « Le vent d'automne gonfle / Les voiles »,
« les voiles » étant une métaphore pour désigner son
sexe. Dans un second temps, il semble vouloir la convaincre ou lui
plaire, expliquant que le désir guidera ses gestes, « Le désir
sera / Le timonier », et qu'il est bon amant, « Le
meilleur marin / C'était bien moi ». Enfin le vers « Tu
prends le feu de la bougie » pourrait être interprété comme
l'accomplissement de l'acte sexuel, le feu étant métaphore du désir
et la bougie celle, encore une fois, du sexe.
On
notera ici la subtilité dont fait preuve Lindemann en utilisant un
vocabulaire de la navigation et du monde marin pour en faire des
images du désir.
S'il
y a bon nombre de sous entendus sexuels, le texte est surtout emprunt
de mélancolie. Les références à la nuit et à l'automne
parviennent à créer une atmosphère froide et solitaire : « La
nuit tombe », « La mer glacée », « Le vent
d'automne », etc. On note la volonté de Lindemann d'insister
sur cette atmosphère : dans le texte le mot « automne »
est répété quatre fois, il y a six références à la nuit ou à
la fin du jour, et on trouve l'adjectif « glacée » ainsi
que le mot « froid » répété à cinq reprises à la fin
du texte.
Dans
cette ambiance mélancolique et froide, Lindemann insiste sur la
solitude des deux protagonistes. Il insiste surtout sur
la solitude de la jeune femme : « Où veux-tu aller /
Comme ça toute seule / À la dérive / Qui va te tenir la main /
Quand tu seras / Entraînée vers le fond / Où t'en vas-tu / La
mer glacée / N'a pas de rives ». Le narrateur s'inquiète
pour elle et veut montrer une attitude bienveillante ici. « Qui
va te tenir la main » demande-t-il dans une attitude
bienveillante, presque en opposition avec toutes les images du désir
sensuel que nous avons déjà relevé.
Le
dernier couplet marque une rupture : « Ils n'ont parlé
que de ta mère ». Lorsque l'on écoute pour la première fois
les paroles de cette chanson, ce vers nous paraît très obscure.
Pourquoi le marin qui va voir une prostituée lui parle-t-il se sa
mère ? Nous pouvons alors nous demander pourquoi cet homme
plein de désir lubrique après des semaines passées en mer
s'inquiète-t-il autant pour cette prostituée ? Ce paradoxe que
nous avons souligné précédemment est une clé d'interprétation du
texte. Le marin ne va pas voir une prostituée, il va voir sa fille.
Voilà pourquoi l'essentiel du texte repose sur l'inquiétude du
narrateur pour cette jeune femme. Voilà également pourquoi
Lindemann a fait tant d'effort pour faire transparaître de ce texte
une mélancolie profonde. Le père est loin de sa fille, ils se
sentent seuls et abandonnés l'un si loin de l'autre.
Dans
ce contexte d'interprétation, nous pouvons mieux comprendre la
vers : « Ils n'ont parlé que de ta mère ». En
effet, le père ayant du partir, on a confier la garde de son enfant
à sa mère, comme c'est très (trop?)
souvent le cas lorsque un couple se sépare. Certaines métaphores
sexuelles peuvent également s'interpréter autrement. « Viens
dans mon bateau / Le vent d'automne gonfle / Les voiles » :
le père demande ici à sa fille de prendre pour un moment la mer
avec lui, de profiter d'être ensemble et de chasser la solitude le
temps d'un voyage. C'est cela que signifie le vers « La lumière
du soir chasse les ombres ». Ils se sont retrouvés et pour un
soir ils ne sont plus seuls. « Tu prends le feu de ma bougie »
est une manière de dire qu'il lui donne toute sa chaleur, tout son
amour lors de ce trop bref instant partagé. Car, le marin doit
reprendre la mer, le père doit repartir et la douce chaleur du
moment passé laisse place à nouveau à la mélancolie : « À
la fin je reste seul / Le temps se fige / Et j'ai froid / Froid... »
Peut-être
serait-il juste de dire ici que Lindemann livre dans ce texte un peu
de lui-même. Pour moi, ce texte fait écho à divers poèmes de son
recueil Messer
dont le sujet est sa fille Nele. On sent qu'il est proche d'elle et
que leur relation est fusionnelle. On sait également que Lindemann
s'occupait de sa fille avant que Rammstein rencontre le succès. Il a
alors du la laisser à sa mère pour partir en tournée avec le
groupe, etc. Dans ce contexte l'image du marin prenant la mer pour
des longues périodes peut être celle du chanteur, du musicien qui
doit laisser son enfant pour partir en tourner. Dès leur premier
album, les membres de Rammstein sont déjà conscient des aléas de
leur métier. Ils expriment cela dans « Seemann » avec
beaucoup de poésie.
Toutefois,
Lindemann ne peut s'empêcher de se monter provocateur. En effet, la
seconde interprétation de la chanson n'annule pas la première. Il
mélange à dessein ces deux sentiments paradoxaux : lubricité
et bienveillance. Les deux figures féminines qui transparaissent
dans ce texte, celle de la pute et celle de la fille, si on peut les
distinguer, sont pourtant bel et bien réunies ici. C'est sans doute
sa manière de montrer la force avec laquelle on peut aimer son
enfant, un instinct si fort qu'il en devient presque du désir. Il y
a de quoi être mal à l'aise face à la manière dont est traitée
la thématique de l'inceste ici. Ce thème est très présent dans
les deux premiers albums de Rammstein. Dans Herzeleid,
il transparait dans « Seemann » et « Laichzeit »,
et dans Sehnsucht
il en fera deux chansons : « Tier » et « Spiel
mit mir ».
Au
delà de l'aspect subversif de cette chanson, Lindemann montre encore
et toujours sa capacité à saisir et à retranscrire la complexité
des sentiments humains. Il est ici virtuose dans la capacité à
faire passer à travers une seule métaphore, une seule image, une
double réalité. Au centre de l'album Herzeleid,
cette musique plus douce ne présente pas un thème moins dur que les
autres chansons de cet opus et exprime aussi une autre « peine
de coeur ».
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