lundi 29 juillet 2013

Reise, reise - remarques générales sur la cohérence de l'album

Les textes de Rammstein, s'ils présentent un intérêt particulier à être étudiés pour eux-mêmes, entrent chacun dans la thématique de l'album auxquels ils appartiennent. C'est pour ce la que je vais proposer, pour chaque album, une étude d'ensemble Cela permet aussi de comprendre les textes par rapport à un tout et de mettre en valeur les trames thématiques propres à chaque opus, et qui rythment l'oeuvre entière du groupe.


Reise, reise – Voyage, voyage
Dans ce quatrième album, Rammstein nous invite au voyage. Le mot est répété à deux reprises, comme pour le mettre au pluriel : ainsi, ce n'est pas seulement un voyage physique que le groupe nous demande d'entreprendre, mais un voyage au cœur des âmes, au sein des cœurs. Album de la maturité, Reise, reise, propose aussi un point de vue engagé et critique sur le monde. C'est sous ce sens multiple que s'ouvre cet opus, puisque « Reise, reise » fait la narration de deux types de voyages en mer : voyage physique et voyage engagé, puisque Lindemann nous propose ici un texte pacifiste, « Et les vagues pleurent doucement /[…]/ Elles se vident de leur sang sur la rive ».

Nous parcourons physiquement le monde, et visitons les deux grandes puissances du XXème siècle : « Amerika » et « Moskau », sont au centre de l'album. « Moskau », la prostituée vieille et fatiguée et pourtant si attirante, s'oppose à « Amerika » qui « est merveilleuse » et éternellement jeune et puissante. Cette grande puissance s'impose à nous, au monde, prête à nous étouffer, alors que, Moscou, la perdante, la déchue, nous « tient en haleine » et nous attire même si elle est physiquement laide.

Ce thème de la beauté intérieure est au cœur du voyage de la maturité, puisqu'il va également être le thème de « Morgenstern ». Le groupe a muri, le voyage de la vie les a formé, leur a apprit à « Voir avec le coeur » : ils savent désormais que la beauté extérieure n'est rien face à celle de l'âme.

L'amour (toujours l'amour !) va lui aussi être traité comme un voyage psychologique. L'expérience de l'amour nous fait avancer, voyager en nous même. Et comme d'habitude chez Rammstein l'amour il y en a pour tous (préfiguration de Liebe ist für alle da...) et sous toutes ses formes. La chanson « Amour » le représente comme « une bête sauvage » qui nous séduit, nous blesse et fini par nous tuer, parfois. Depuis les premiers albums, Herzeleid et Sehnsucht, Lindemann a gagné en maturité et à su prendre du recul sur le mal que l'amour peut nous faire : tout n'est plus la faute de l'être aimé, mais l'amour lui même est identifié comme un mal, une bête. Métaphoriser l'amour est un acte qui montre le chemin parcouru, l'intérêt du voyage de l'existence.

Mais l'amour continu d'être associé à une certaine violence dans « Mein Teil » et « Stein um stein ». Le fais divers de Rothenburg relaté dans « Mein Teil » est bien une histoire de sexe : on notera l'intérêt de choisir le mot « membre » désignant le sexe et la pièce de viande. Nous ne nous éloignons pas pour autant de la thématique du voyage : Rammstein explore les fonds les plus sombres de l'être humain, lorsque l'acte amoureux blesse et tue. Le même constat et les mêmes remarques sont valables pour « Stein um stein » : même lorsqu'on veut le bien de l'autre, « Je vais te construire une maison », on lui fait du mal, « Pierre par pierre / Je vais t'emmurer ».

Aimer jusqu'à tuer est explicitement associé au voyage dans « Dalai Lama » qui raconte un voyage en avion dans lequel se trouvent un père et son fils. « La tempête étreint l'appareil » et le père, par amour et pour protéger son fils va lui ôter le vie, « Fait sortir l'âme du corps de l'enfant » en l'étreignant trop fort.

Le dernier voyage dans le cerveau humain que nous propose Rammstein dans cet opus est « Keine lust ». Le narrateur, obèse, nous décrit son mal être, ses envies qui n'en sont plus vraiment, son mal de vivre. La chanson est un voyage au cœur du paradoxe : « Pas envie de sortir de la neige / Pas envie de mourir de froid ». Mais au delà de la description des pensées de ce narrateur obèse, c'est aussi un voyage dans la paradoxe de la vie qui est à la fois tout et son contraire, absurdité : nous naissons pour mourir, ce qui est un non sens.

Enfin, le groupe nous emmène pour un dernier voyage, plus personnel : leur voyage à eux. « Los » et « Ohne dich » parle de Rammstein : du voyage parcouru depuis les débuts jusqu'à la relation des membres entre eux. Comme pour « Keine lust », « Ohne dich » est basée sur un paradoxe. Si à la première lecture le texte traite d'un amour perdu, il exprime le fait que les membres du groupe ne peuvent se passer les uns des autres, « Sans toi je ne peux pas être », mais qu'il est également difficile d'être ensemble, « Avec toi je suis seul aussi ». Cette chanson matérialise, avec le recul nécessaire, les difficultés qu'ils ont traversé pendant la période Mutter, en ce sens elle est aussi symbole de maturité, ce qui ne tue pas rend plus fort. C'est sans doute ces difficultés qui sont également évoquées dans « Los », mais c'est surtout un texte qui fait le constat du voyage que le groupe a parcouru. À leurs début ils étaient « sans nom / Et sans chansons » mais ils ont su se construire et avancer, traverser les difficultés et désormais ils, peuvent le dire « Vous ne vous débarrasserez jamais / De nous sans bruit ». À la fois constat du chemin déjà parcouru, « Los » affirme que pour Rammstein, le voyage ne fait que commencer : « C'est parti ! ».

Reise, reise, dans tous les sens du terme : Rammstein nous fait parcourir le monde et explorer les fonds de l'âme humaine, ils livrent aussi un peu de leur propre voyage. En ce sens cet album est celui de l'âge adulte. Le groupe à traversé les tempêtes de la vie au sens le plus large, et si toutes les blessures ne sont pas cicatrisées, celles de l'amour notamment, elles les rendent plus forts. Alors que Mutter entreprenait un voyage dans le passé, Reise, reise nous invite à les suivre dans les voyages présents et à venir. En effet, l'aventure n'est pas terminée : Rosenrot, dont les chansons ont été composées au même moment que ce quatrième album, présentera la suite du voyage...

jeudi 25 juillet 2013

Mutter - remarques générales sur la cohérence de l'album


Les textes de Rammstein, s'ils présentent un intérêt particulier à être étudiés pour eux-mêmes, entrent chacun dans la thématique de l'album auxquels ils appartiennent. C'est pour ce la que je vais proposer, pour chaque album, une étude d'ensemble Cela permet aussi de comprendre les textes par rapport à un tout et de mettre en valeur les trames thématiques propres à chaque opus, et qui rythment l'oeuvre entière du groupe.


Mutter - Mère
Avec ce troisième album Rammstein se tourne vers l'enfance et tente d'y trouver les origines des angoisses qui ont marqué Herzeleid et Sehnsucht. Lindemann semble avoir une écriture plus posée, plus réfléchie puisqu'il prend pour la première chanson une référence littéraire liée à l'enfance. « Mein Herz brennt » est une référence directe à « L'Homme au sable », nouvelle de Hoffmann qui détourne la figure légendaire du marchand de sable, que l'on raconte aux enfants pour qu'ils s'endorment. Le narrateur prend le point de vue de la créature, métaphore de toutes les angoisses de la nuit : « Ils viennent vers vous dans la nuit / Démons, fantôme, noires fées ». Presque comme un acte psychanalytique Rammstein entreprend avec Mutter un voyage au plus profond des âmes et des peurs.

La première peur, la première blessure de l'enfance est l'abandon, sujet de « Mutter », sixième piste, pilier de cet opus. Le narrateur se lamente de ne pas avoir eu de mère : « Aucune poitrine n'a pleuré de lait pour moi ». La répétition de « Mutter », comme un leitmotiv, sonne comme un cri de désespoir, un appel à l'aide. Car l'adulte à besoin, pour affronter l'existence, de l'enfant qui est en lui, d'un enfant apaisé et aimé par sa mère. La blessure est ouvert puisque le narrateur, adulte, crie comme un enfant : « Maman, oh donne moi la force ». L'abandon est également le thème de « Nebel » qui présente les deux protagonistes sur une plage. Les deux personnages, « Elle » et « Lui » doivent se quitter. « Elle » doit mourir (« Elle […] sait qu'elle doit perdre la vie »), et cette femme peut être la figure de la mère qui s'en va. L'enfant, même s'il est adulte, doit affronter l'abandon ultime, la mort de ses parents.

Nous arrivons à un autre traumatisme de l'enfance : la prise de conscience de la mort, thème de « Spieluhr ». La question est double : comment un enfant affronte-t-il sa propre mortalité ? Peut-on envisager la mort de l'enfance, de l'innocence ? La mort est présentée comme étant le seul remède au désenchantement de la vie dans « Adios ». Ce suicide fait référence à l'adolescent mélancolique, d'une enfance à jamais perdue, et incapable d'affronter l'existence en tant qu'adulte. Le refrain « Il n'y a rien pour toi / Il ne reste rien pour toi » représente ses voix intérieures.

Toutefois, l'adolescent n'est pas que mélancolie, il est aussi passion ardente. Au sortir de l'enfance, l'être humain explore les sensations et les sentiments dans ce qu'ils ont de plus fort, de plus violent. C'est ce que décrit « Feuer frei ! », qui évoquent à la fois colère et passion, ainsi que la confrontation à l'autre, « Ton bonheur / N'est pas le mien / Mais est ma perte ». L'adolescent veut tout, tout de suite et n'accepte pas la frustration. En ce sens « Ich will » est le cri de l'enfant/adolescent qui à soif de puissance, de pouvoir. Cette chanson est l'expression de l'égocentrisme exacerbé. La prise de conscience de l'autre et l'acceptation de la frustration est le grand apprentissage de l'enfance. Ici Rammstein fait resurgir le feu qui animait le « je » de la jeunesse.


« Links 2-3-4 » apparait dans le contexte de l'enfance comme la volonté de s'émanciper par rapport à l'éducation qui nous est donnée. Les parents, la société formate le narrateur, qui revendique une identité, une individualité : "Ils veulent remettre mon coeur dans le droit chemin / Pourtant si je regarde vers le bas / Il bat à gauche". Puis le leitmotiv "Gauche deux trois quatre" sonne comme une véritable revendication, une ligne qu'il s'est fixé : ne jamais oublier qui on est, être soi-même.

La passion ardente de la jeunesse est aussi l'approche du désir sexuel. Et le sexe est un thème majeur de cet album. Cette thématique n'est pas incompatible avec l'enfance, puisque les désirs d'adulte sont des réminiscences du vécu de l'enfant qui est en nous. L'enfant est lui-même un être sexuel, c'est ce qu'aborde « Zwitter ». L'hermaphrodite est sans sexe et s'auto-satisfait du plaisir qu'il se donne lui-même. L'enfant n'a pas conscience de l'autre, nous l'avons évoqué plus haut, et le sexe est d'abord envisagé comme un acte solitaire, par la masturbation : « Je peux me donner du plaisir chaque jour ».

La sexualité peut être vue dans cet opus sous un autre point de vue : l'enfant est le produit de l'acte sexuel. Ainsi, Lindemann décrit de manière triviale la mécanique de procréation dans « Rein, raus ». L'image des vas est vient est assez explicite, et, a priori, il n'y aurait aucun sens caché dans ce texte. Toutefois, il représente aussi l'image du père qui abandonne l'enfant, qui n'est finalement qu'un simple géniteur : « Maintenant je dois aller voir d'autres chevaux / Qui veulent aussi être montés » dit le narrateur, que l'on peut voir comme figure paternelle.

Dans ce voyage psychanalytique au cœur de l'enfance que penser de « Sonne » qui semble un peu à part des autres textes ? L'image du combat et du soleil semble dans une certaine mesure nous projeter vers l'avenir. « Le soleil brille au fond de mes yeux / Il ne se couchera pas ce soir » peut être vu comme un regard vers un futur que l'on peut affronter malgré toutes les blessures de l'enfance. L'image même du soleil peut être celle de l'adulte qui est d'autant plus fort et brillant d'avoir affronté les épreuves et les douleurs de l'enfance.

Mutter peut être vu comme une transition dans les thématiques abordées par le groupe qui essaye de panser les blessures du cœur – Herzeleid – et du désir – Sehnsucht – en entreprenant une démarche que l'on pourrait qualifier de psychanalytique. Si on peut dire de ce troisième album qu'il est (encore et toujours) torturé, il marque un passage vers la maturité du groupe qui s'exprimera pleinement dans Reise, Reise. La réconciliation symbolique avec la Mère amènera une maturité dans la relation à l'être aimé. Cela ne veut pas dire qu'on ne trouvera plus chez Rammstein des thèmes durs, et que la relation à l'autre sera moins destructrice, mais leurs traitements, dans l'écriture, se fera manière plus « adulte ». 

mercredi 24 juillet 2013

Sehnsucht - remarques générales sur la cohérence de l'album

Les textes de Rammstein, s'ils présentent un intérêt particulier à être étudiés pour eux-mêmes, entrent chacun dans la thématique de l'album auxquels ils appartiennent. C'est pour ce la que je vais proposer, pour chaque album, une étude d'ensemble Cela permet aussi de comprendre les textes par rapport à un tout et de mettre en valeur les trames thématiques propres à chaque opus, et qui rythment l'oeuvre entière du groupe.



Sehnsucht – Désir/Nostalgie

Dans la continuité de Herzeleid, ce second album explore les voies de l'amour et du sexe dans ce qu'elles ont de plus douloureux. Sehnsucht, mot n'ayant pas d'équivalent en français, exprime un désir ardent et douloureux, ainsi que la mélancolie. La langue allemande lie de manière très intéressante ces deux aspects, comme pour exprimer que le désir est une sensation complexe, entre excitation, frustration et tristesse.

« Sehnsucht », premier extrait, nous guide immédiatement dans cette direction, puisque le narrateur se lamente, disant : « Le désir/la nostalgie est si cruel(le) ». Il cherche à retrouver des sensations passées mais n'y parvient pas : « De retour dans le giron de la lionne où j'étais autrefois chez moi / Entre tes longues jambes je cherche la neige de l'année dernière / Mais il n'y a plus de neige ». Ainsi le désir n'est pas aisé et semble lié au passé, sans doute à l'enfance (ce qui sera ouvertement développé dans Mutter). Le désir est vu comme un idéal qu'on ne peut atteindre.

Cette même idée transparait dans « Bück dich ». Concrètement cette chanson exprime le désir de « je » de prendre son/sa partenaire à quatre pattes, lui ordonnant « Penche-toi ». Le narrateur insiste sur le fait que « Le visage ne [l']intéresse pas », il semble vouloir se concentrer sur l'acte sexuel et le désir, mais cela ne fonctionne pas. « Le bipède […] / S'est mis comme il faut à la lumière » pourtant le narrateur « [se sent] de plus en plus mal » et se met à pleurer. Il ne retrouve pas les sensations idéalisées du désir et ce qui devait être une exploration des sens n'est plus qu'un acte animal qui blesse les deux protagonistes dans un élan de dégoût.

Le dégoût est bien évidemment une sensation liée à ce désir ardent et, parfois, interdit. Et le seul interdit sexuel c'est bien sûr l'inceste que Lindemann développe dans « Tier » et « Spiel mit mir ». Le désir d'un père pour sa fille et d'un jeune homme pour son frère mérite l'appellation « Sehnsucht » dans la mesure où ce désir là fait à la fois souffrir la victime qui le subit autant que celui qui l'éprouve. Le père incestueux n'est qu'un « animal » suivant son instinct et il va faire de sa fille un monstre à son tour, puisque cette dernière va le tuer (métaphoriquement ou non) : « Elle plonge la plume dans le sang de cet homme ». La narration de « Speil mit mir » lie encore plus concrètement le désir sexuel à l'enfance : des références et images enfantines comme les « moutons », le « feuillage de l'arbre » aussi l'attouchement vu comme un « jeu ».

Ce lien entre sexualité et enfance et également montré par « Küss mich » qui reprend l'image du conte de la grenouille se transformant en prince. Chez Rammstein la transformation n'a pas lieue et l'animal visqueux reste une image lubrique de la femme, et de la relation amoureuse.

La relation amoureuse est source de mélancolie et d'un désir altéré. « Du hast » aborde cette question de manière directe : sommes-nous capable de nous aimer pour toujours « Jusqu'aux frontières de la mort » ? Mais entre maintenant et « la mort du vagin » il faut faire face à la baisse du désir (cf. « Sehnsucht ») ou encore à la jalousie. Ainsi, « Eifersuchr » présente de façon très violente ce sentiment d'envie... de désir, désir ardent de posséder ce que l'autre a : beauté, force, intelligence, richesse et la femme. Bien sûr, cette violence du désir va jusqu'à l'acte de mort dans « Klavier » où l'amant tue sa bien aimée.

Dans ce monde de nostalgie, de frustration et de violence il semblerai que l'on puisse se tourné vers Dieu. « Bestrafe mich - Punis-moi » demande le narrateur, comme pour se repentir de tous les pêchers évoqués précédemment : jalousie, envie, insecte, meurtre. Mais la punition divine n'arrive pas comme un soulagement, elle accable d'autant plus le narrateur qui s'enfonce dans la culpabilité.

Dieu n'est pas une solution, et l'on constate un désenchantement total dans « Engel » : rien ne sert d'être « de son vivant […] bon sur la Terre » parce que nous ne serrons pas récompensés après la mort. Les anges souffrent : « Nous avons peur et sommes seuls » gémissent-ils. La vie est un désenchantement et aucun espoir n'est permis, même pour l'après... C'est ce même désenchantement qui est décrit dans « Alter mann », métaphore du non sens de la vie.

Album torturé, on constate que Sehnsucht se situe dans la continuité du premier album. Une certaine maturité a été atteinte : ce ne sont plus les peines de cœur qui sont la trame principale de cet opus, mais l'amour dans ce qu'il a de frustrant et de blessant avant même qui ne se soit terminé. Toutefois, maturité ne veut pas dire apaisement : nous sommes aux cœur des angoisses les plus profondes de Rammstein qui tenterons de régler leurs névroses en se réconciliant avec leur enfance dans Mutter

mardi 23 juillet 2013

Herzeleid - remarques générales sur la cohérence de l'album


Les textes de Rammstein, s'ils présentent un intérêt particulier à être étudiés pour eux-mêmes, entrent chacun dans la thématique de l'album auxquels ils appartiennent. C'est pour cela que je vais proposer, pour chaque album, une étude d'ensemble. Cela permet aussi de comprendre les textes par rapport à un tout et de mettre en valeur les trames thématiques propres à chaque opus, et qui rythment l'oeuvre entière du groupe.



Herzeleid – Peines de cœur
Le premier album semble aborder un thème facile, mainte et mainte fois analysé, distillé, par les poètes, les chanteurs. Selon les membres du groupe eux-même1, chacun s'est trouvé, au moment où il ont composé cet album, à la fin d'une relation amoureuse. Pas besoin d'entrer dans le détail des textes pour comprendre que l'amour fait mal...

Ce thème, (trop?) classique, a été traité d'une manière très novatrice dans l'écriture. Rammstein n'aborde pas seulement la mélancolie ni le dégout de soi face au rejet de l'être aimé, le groupe montre ce que l'amour à de violent et affirme, dès le premier titre que « Liebe ist Krieg – l'amour est une guerre ». Ainsi dans « Wollt ihr das Bett in Flammen sehen ? », nous comprenons qu'amour et sexe sont indissociables et qu'ils sont rattachés à la violence du feu, feu métaphorique de la passion, et au sang, à la douleur. Le lit des amans est le lieu d'un crime. On retrouve cette thématique dans « Das alte leid », chanson dans laquelle Lindemann affirme : « Et sur la couche la même guerre fait rage / Qui consume encore mon coeur ». Dans ce même texte, il évoque l'image d'un « jeune corps » qui « pourrit sur la couche ».

Dans cette même thématique de l'amour comme un bataille, une guerre nous pouvons rattacher « Du riechst so gut », évoquant une traque et un viol. Chez Rammstein, nous pouvons affirmer que l'amour est pulsion (sexuelle, mais pas que), une pulsion qui n'a pas même les limites de la mort.

L'amour est associé à la mort au point de donner vie à une scène de nécrophilie dans « Heirate mich ». Ainsi l'amour, quand il est associé à la perte et au manque, pousse à la folie comme un « Mal ancien – Das alter leid ». Et cette folie qu'est l'amour amène à la mort, comme dans un éternel recommencement. « Weisses Fleisch » narre un meurtre : la pulsion amoureuse et sexuelle prend le dessus sur la raison, le narrateur parle de « [son] cerveau malade » qui le pousse à faire des « Marques rouges sur le blanc de [la] peau » de la femme aimée.

Cette association amour – mort – violence va jusqu'à l'expression du dégoût de soi dans « Laichzeit ». Ce n'est pas la haine de soi parce qu'on a été rejeté par l'autre, mais le dégoût d'être naît de ces pulsions macabres et lubriques. À travers cette chanson transparaît aussi la thématique de l'insecte qui aura sa place et dans Sehnsucht.

Si cet amour destructeur est à la source de la vie, Rammstein va jusqu'à affirmer que l'Apocalypse sera déclenché par les peines de cœur dans « der Meister ». D'ailleurs, cet aspect biblique se retrouve lorsqu'ils font de la scène de la Passion du Christ une métaphore de l'acte sexuel destructeur dans « Asche zu Asche ». Pourrait-ont aller jusqu'à dire que le seul dieu c'est l'amour dans sa violence la plus extrême ?

L'amour n'est-il que violence et mort ? « Seemann », au centre de l'album, semble apporter un peu de répit dans ces pulsions amoureuses et sexuelles. Mais lorsque la violence s'efface, elle laisse place à la mélancolie la plus profonde, au spleen, à la solitude. Et il ne reste plus que cette sensation de « froid ».

Au cœur de cette apocalypse amoureuse et sexuelle, « Herzeleid » sonne comme un message d'avertissement. Ses premiers mots sont : « Gardez-vous bien / Des peines de coeur », comme si Rammstein s'adressait à ceux qui n'ont jamais connu ni l'amour ni le sexe et leur disait de bien s'en préserver. À la lumière de la chanson « Herzeleid », l'album entier apparaît comme une mise en garde contre l'Amour qu'ils décrirons dans Reise, Reise comme une « bête sauvage » prête à nous dévorer.

Toutefois, de ces constats pessimistes sur l'amour, l'album a bel et bien un message positif. Ils l'ont gardé pour la fin avec « Rammstein » que j'interprète, à la lumière de ce nous venons de constater, comme un éloge à la création artistique. Oliver, dans l'interview du Live aus Berlin affirme que de la souffrance naît la création. Ainsi, c'est parce que chaque membre du groupe à subit des peines de cœur qu'ils ont pu créer, écrire, composer cet album, pourrait-on même aller jusqu'à dire fait naître Rammstein. C'est en ce sens que le message de cette dernière chanson est positive : l'amour et le mal qu'il génère est source de création.

Dès leur début, Rammstein montre la femme comme l'ennemi de l'homme dans le sens où elle fait naître en lui ce qu'il a de plus noir et de plus violent, elle est à l'origine de ses souffrances. Toutefois, pour faire face à cela, l'unité et l'amour inconditionnel et idéalisé des membres du groupe entre eux s'affirme comme un remède qui se traduit par l'acte de création.

1Cf interview du Dvd : Live aus Berlin

"Gib mir deine Augen" - Single Mein Herz brennt


Schenk mir was
Lass etwas hier
Lass bitte etwas hier von dir
Ein paar Tränen wären fein
Reib mich abends damit ein

Die Träne fließt
Doch fließt sie schwach
Ich schlage zu und helfe nach
Und wenn ich schon um Wasser bitt'
Nehm ich doch gleich die Brunnen mit

Gib mir deine Augen
Gib mir dein Licht
Schenk mir deine Tränen
Die Seele will ich nicht
Schenk mir was

Schenk mir was
Ich bitte sehr
Deine schenkel hängen schwer
Nimm die Lippen vom Gesicht
Riechen schlecht, brauch ich nicht

Die Augen sind der Seele Pforten
Will sie pflegen, will sie horten
Nun das Glück liegt im Verzicht
Gib sie her du brauchst sie nicht

Gib mir deine Augen
Gib mir dein Licht
Schenk mir deine Tränen
Die Seele will ich nicht

Gib mir deine Augen
Gib mir dein Licht
Schenk mir deine Tränen
Die Seele will ich nicht

Schenk mir was
Schenk mir was
Schenk mir was

Aus den Augenhöhlen
Will sich die Seele stehlen
Ich stopfe Stück für Stück
Die Seele in den Kopf zurück

Gib mir deine Augen
Gib mir dein Licht
Schenk mir deine Tränen
Die Seele will ich nicht

Gib mir deine Augen
Gib mir dein Licht
Schenk mir deine Tränen
Doch weinen sollst du nicht






Ce texte décrit une relation intime et amoureuse entre "je", le narrateur, et "tu". Le narrateur semble vouloir l'attention/l'émotion de la la part de l'autre (sans doute une femme même si ce n'est jamais explicite ; les "cuisses" sont plutôt un attribut féminin), il veut aussi "quelque chose" de physique. Je pense que le "Donne moi tes yeux" est à prendre au sens propre.

Le rapport entre les deux personnages est physique : "Laisse quelques chose de toi ici". Mais cette proximité physique va être rompue puisque "tu", on va dire la femme, doit partir (ou mourir?). D'abord il se contente de larmes ("Quelques larmes seraient bien") mais nous verrons que cela n'est pas assez. Notons, fin du premier couplet, "Avec lesquelles je me frictionnerais le soir" qui est un sous-entendu sexuel (masturbation), à mon avis et qui confirme la proximité physique des deux protagonistes.


Comme je le disais la larme ne suffit pas au narrateur, il en veut plus. "La larme (...) coule faiblement", ce qui ne lui convient pas, il en veut plus. Il va alors faire mal, physiquement à mon avis (mais ça marche aussi au sens figurer, blesser l'âme) puisqu'il dit "J'ai la main leste et les aides à couler", il frappe la femme avec ses mains. J'en viens à mon interprétation des "puits". Le narrateur ne parvient pas à arrêter son geste il continue de la frapper. La phrase "Et quand déjà je réclame de l'eau / Je prends quand même les puits avec moi" cela veut dire par rapport au texte qui précède : je ne peut me contenter que de quelques gouttes, autrement dit quelques larmes, il me faut les puits tout entier, autrement dit les yeux. Je peux justifier que "puits" sont une métaphore pour les yeux parce que le mot est utilisé au pluriel. Ainsi l'enchainement sur le refrain prend tout son sens : il ne peut se contenter des larmes, il veut ses yeux.

Concernant le refrain je voulais simplement dire que la phrase "Ton âme, je n'en veux pas" amène l'interprétation en faveur du côté physique de la relation, qui devient violente dans le suite du texte.

Troisième couplet : il veut absolument que cette femme qui s'en va lui "offre (...) quelque chose". Elle lui propose sans doute une relation sexuelle c'est à dire ses "cuisses" ou plutôt le fait de les ouvrir, et ses "lèvres" autrement dit ses baisers. Cela ne convient pas au narrateur, les cuisses "pendent lourdement" et les lèvres "sentent mauvais".

Ce qui l'intéresse ce sont bien ses yeux, on est dans le quatrième couplet. "Les yeux sont la porte de l'âme", il s'agit ici d'un lieu commun mais je pense qu'il tente de la séduire. C'est une manière de dire : je ne te désir par physiquement, en référence au couplet qui précède. Contrairement aux adjectifs négatifs associés aux cuisses et aux lèvres, le narrateur fait l'éloge des yeux : "trésor", "bonheur". On est dans une sorte d'argumentation, il essaie de persuader la femme de lui donner ce qu'il veut. Il lui demande d'accomplir un acte d'amour : "le bonheur est dans la renonciation" (ceux qui on vécu une vraie histoire d'amour savent qu'aimer c'est renoncer et accepter de renoncer...). Il insiste en disant que s'ils s'aiment, elle n'a pas besoin de voir "tu n'en as pas besoin".

Il y a une élipse entre le quatrième couplet et le dernier : entre les deux il a accomplit un acte physique sur la femme (soit il la tué, soit il lui a arraché les yeux et elle est encore vivante...). Il vient de prendre les yeux, ça c'est sur puisque il décrit "les orbites" et non plus les yeux et dit que "l'âme veut s'en échapper". Il a donc mutilé la femme mais je ne pense pas qu'elle soit morte. En effet, il empêche l'âme de partir : "Je remet morceau par morceau / L'âme dans la tête", il la réanime, l'empêche de mourir. Et la phrase du dernier refrain vient confirmer cela "tu ne dois pas pleurer" à le sens de : tu ne peux pas pleurer, tu n'as plus tes yeux. Ainsi la femme ne peut plus laisser le narrateur, elle  à besoin de lui pour voir. En prenant ses yeux il est devenu son maître en quelque sorte.

Cette narration parle bien d'une mutilation : le narrateur veut garder la femme qu'il aime auprès de lui. D'abord il tente d'argumenter mais il fini par la mutiler. Métaphoriquement, une fois de plus Till fait un constat pessimiste sur les relation amoureuse. En gros quand on d'aime on se fait du mal. Mais ici cela va au delà, il y a du sadisme chez le narrateur qui prend plaisir à mutiler l'être aimé.

lundi 22 juillet 2013

"Stein um stein" - Reise, Reise


Ich habe Pläne, große Pläne
Ich baue dir ein Haus
Jeder Stein ist eine Träne
Und du ziehst nie wieder aus
Ja, ich baue ein Häuschen dir
Hat keine Fenster keine Tür
Innen wird es dunkel sein
Dringt überhaupt kein Licht hinein

Ja ich schaffe dir ein Heim
Und du sollst Teil des Ganzen sein

Stein um Stein
Mauer ich dich ein
Stein um Stein
Ich werde immer bei dir sein

Ohne Kleider, ohne Schuh
Siehst du mir bei der Arbeit zu
Mit den Füssen im Zement
Verschönerst du das Fundament
Draußen wird ein Garten sein
Und niemand hört dich schreien

Stein um Stein
Mauer ich dich ein
Stein um Stein
Ich werde immer bei dir sein
Ich werde immer bei dir sein

Welch ein Klopfen, welch ein Hämmern
Draußen fängt es an zu dämmern
Alle Nägel stehen stramm
Wenn ich sie in dein Leibholz Ramm
Stein

Stein um Stein
Mauer ich dich ein
Stein um Stein
Mauer ich dich ein
Stein um Stein
Mauer ich dich ein
Stein um Stein
Und keiner hört ihn schreien




Le premier couplet ressemble à une sorte de déclaration d'amour : un homme, le narrateur, a de « grands projets » pour la femme qu'il aime. « Je vais te construire une maison » a ici son sens propre, mais veut également dire qu'il souhaite que leur relation soit solide, durable dans le temps, cette idée est renforcée par « Et tu ne déménagera plus jamais ». Mais ici on constate l'aspect négatif de ce projet : je narrateur dit « tu » et non « nous » : il ne compte pas habiter avec elle.

« Chaque pierre est une larme » dit-il : l'idée de douleur est ici présente, mais il reste à savoir à qui appartiennent ces larmes. Celle de la femme dont le narrateur évoque les pleurs avant même qu'elle ne soit emmurée : les verbes sont au futur, il s'agit d'un « projet » et rien n'est réalisé. Il peut aussi s'agir des larmes du narrateur lui-même qui souffre. Cette deuxième supposition est la plus plausible, dans la mesure où dans ce texte au futur, ici le présent est utilisé. Pourquoi et de quoi souffre-t-il ? En l'emmurant, il veut la garder pour lui seul, il est possessif et jaloux.

Toujours dans le premier couplet, on note une opposition entre « maisonnette », vocabulaire des contes (référence à la légende de fondation?), presque enfantin et la description qui suit, c'est à dire d'une bâtissent « sans fenêtre ni porte » où « aucune lumière n'y pénétrera », c'est à dire un mausolée.
Le deuxième couplet, très bref, fais à mon avis référence à la légende de fondation : « un logis » vivant, fondé sur cette femme qui en devient « une partie ».

Le refrain arrive, explicitant ce qui est suggérer dans le premier couplet : il veut emmurer la femme qu'il aime. Malgré tout, il y a dans ce « projet » un aspect positif, c'est une manière de la garder près de lui : « Je resterai toujours près de toi ».

Dans le troisième couplet, le narrateur s'intéresse au moment même de la construction. Il va « travailler », ici une idée de sacrifice, il veut donner de sa personne pour cette femme, faire quelque chose de ces mains. Toutefois, il veut aussi lui faire du mal, dans un élan de sadisme il se la représente nue « sans vêtement et sans chaussures (…) Les pieds dans le ciment ». Comme dans le premier couplet et le refrain on voit une opposition entre une volonté de construire quelque chose pour l'être aimé et une volonté la blessé, le dominer (thématique assez courante dans les texte de Till, d'ailleurs...). Opposition ici mise en valeur par le verbe « embellir », associé à « jardin » qui évoquent une beauté paisible et qui s'oppose au verbe « crier » et à « ciment » qui évoquent la peur et la rudesse.

Le quatrième couplet introduit une ambiguité : les verbes sont conjugués au présent. Soit le narrateur est au paroxysme d'une sorte de crise de démence dans laquelle il imagine emmurer la femme qu'il aime, soit il l'a vraiment fait. L'ambiguité demeure et à chacun d'interpréter comme il veut. Personnellement je penche plutôt pour le première option. Il évoque le crépuscule, il a travaillé toute la journée, « Que de coups donnés, que de martèlements » évoquent la fatigue de l'homme revenant de son labeur (référence à la légende?). « Tous les clous sont bien droits / Quand je les enfonce dans ton corps de bois » : ici une métaphore de l'acte sexuel plus ou moins explicite. Au sens propre, dans son désir d'emmurer sa bien aimée, il clou son cercueil, au sens figuré, il lui fait l'amour. C'est cela qui me fait plutôt penché du côté du fait qu'il n'accomplit pas son acte, mais qu'il évoque un désir de mort et de possession, un amour destructeur.

Pour conclure, si le texte de Till s'inspire des légendes de fondation, il détourne la thématique pour évoquer un amour destructeur, un sentiments très fort qui va jusqu'au désir de mort.

"Alter Mann" - Sehnsucht


Er wartet auf den Mittagswind
Die Welle kommt und legt sich matt
Mit einem Fächer jeden Tag
Der Alte macht das Wasser glatt

Ich werf' den Stein zu meinem Spaß
Das Wasser sich im Kreis bewegt
Der Alte sieht mich traurig an
Und hat es wieder glatt gefegt

Im weissen Sand der alte Mann
Zitternd seine Pfeife raucht
Nur das Wasser und ich wissen
Wozu er diesen Fächer braucht

Die Ahnung schläft wie ein Vulkan
Zögernd hab ich dann gefragt
Den Kopf geneigt es schien er schläft
Hat er bevor er starb gesagt

Das Wasser soll dein Spiegel sein
Erst wenn es glatt ist, wirst du sehen
Wie viel Märchen dir noch bleibt
Und um Erlösung wirst du flehen

Den Fächer an den Leib gepresst
Im Todeskrampf erstarrt die Hand
Die Finger mussten sie ihm brechen
Der Fächer bleibt zurück im Sand

Den Alten ruf ich jeden Tag
Er möchte mich doch hier erlösen
Ich bleib zurück im Mittagswind
Und in dem Fächer kann ich lesen

Das Wasser soll dein Spiegel sein
Erst wenn es glatt ist wirst du sehen
Wie viel Märchen dir noch bleibt
Und um Erlösung wirst du flehen
Das Wasser soll dein Spiegel sein
Erst wenn es glatt ist wirst du sehen
Wie viel Märchen dir noch bleibt
Und um Erlösung wirst du flehe






Ce texte évoque pour moi la figure du Charon, le « nocher des Enfers ». Ce vieil homme au bord de l'eau est sans doute une figure de passeur : il fait passer les morts vers l'au-delà. Mais ce qui interpelle c'est que le « nocher des Enfers » n'a plus de barque. Si l'eau est abondamment évoquée (« eau », « vague »), il n'est fait aucune mention d'un bateau. Le narrateur nous dit que le vieux est « sur le sable blanc ». Il semble déchu, et sans sa tâche à accomplir il ne peut que se laisser mourir (champ lexical de la mort tout au long tu texte : « comme s'il dormait », « mourir », « sa main se raidit », « agonie »).

Si le Passeur meurt, que faire ? Le narrateur doit-il prendre sa place ? Ce dernier est sur la rive (de quel côté?) et semble vouloir jouer (« je lance la pierre pour m'amuser »), mais il est très vite gagné par la mélancolie et la tristesse du vieil homme (« tristement », « doute »). Il doit prendre sa place et jouer à son tour le rôle du passeur. Alors que le vieil homme est délivré de sa tâche, c'est au narrateur de prendre le fardeau d'une éternité monotone (« tu supplieras qu'on te délivre »).

Toutefois, le narrateur ne peut accomplir sa tâche de passeur, j'ai déjà évoqué l'absence de la barque. Il est condamné à resté sur la rive, ni vivant, ni mort. « Combien de contes il te restera à vivre » : l'utilisation du futur marque ici une impossibilité. En effet le verbe « rester » associer à la vie n'a aucun sens au futur. (Je ne commente pas son utilisation au passé.) Lorsqu'on l'utilise au présent cette expression a déjà un sens de futur. Il reste des choses à vivre à partir de maintenant, c'est à dire du présent vers l'avenir. Ainsi utilisée au futur est un non sens. Le narrateur n'a plus de vie, plus de futur. C'est pour cela qu'il « supplieras pour qu'on le délivre ».

Solitude, mélancolie et abandon transparaissent dans ce texte. Le narrateur a perdu le vieil homme, il est perdu dans le néant, entre la vie et la mort. Il est à l'état du passage éternel, c'est à dire du passage qui ne se fait jamais. Il doit parvenir à lisser l'eau afin qu'elle devienne un miroir qui lui renverra l'image de son existence. Mais est-ce bien utile ? On sait déjà que l'image que lui renverra le miroir de l'eau sera négative (« tu supplieras pour qu'on te délivre ») et futile. En effet, l'expression de « conte de ta vie » est très significative quand à la futilité de l'existence. Le conte narre des histoire futiles, pour les enfants... Dans ce contexte, l'image de l'éventail qui semble a priori difficile à saisir, prend tout son sens. L'éventail brasse du vent, du rien, de la futilité.

Ainsi, selon moi, le texte parle du non sens de l'existence. Comme si l'homme était sans cesse à l'état de souffrance : la vie n'est pas possible et aucune mort ne vient le soulager. L'image du vieux passeur est une métaphore de l'existence de l'humanité elle -même. Le vieux sait que le vie n'a aucun sens mais la mort vient le délivrer. Avant de mourir il passe le fardeau de la vie au narrateur (qui est jeune puisqu'au début de la chanson il veut « [s']amuser »). Alors son cœur n'est plus à la joie et la mélancolie le gagne. Le fardeau de l'existence, il doit le porter longtemps, trop longtemps, jusqu'à ce qu'il soit vieux à son tour et qu'il le passe à la génération suivante.

Un constat assez pessimiste/réaliste sur la vie... Évoqué avec l'image d'un Charon déchu.

Présentation


Depuis quelques temps je commente les textes de Rammstein, j'ai posté la plupart de ces commentaires sur le forum Rammstein World. J'ai décidé d'ouvrir ce blog pour réunir les interprétations déjà faites et pour celles à venir, afin de leur consacrer un espace et de les partager.
N'étant pas germanophone moi-même, je commente les traductions données sur Rammstein World et que vous pouvez trouver ici.

Bien évidement, ces interprétations sont personnelles : je ne prétends pas détenir la vérité quand aux sens des textes, parfois très complexes, de Rammstein et je suis ouverte à toutes remarques et discutions. Le but étant de donner des clefs pour comprendre ces textes et surtout en apprécier la poésie et les images.
Pour les interpréter j'utilise la méthode « classique » qu'on enseigne et apprend au lycée, à savoir l'analyse des champs lexicaux, des figures de style, des modes de narration, des temps employés, des doubles sens, etc.

Je n'ai pas encore établi d'ordre et je ne me suis fixée aucune règle, c'est à dire que je ne vais pas prendre la discographie de Rammstein dans l'ordre chronologique et proposer mes commentaires piste par piste. Je prends les textes en vrac, en fonction de mes envies du moment. Je ne compte pas non plus poster de manière régulière, ne vous attendez pas à un texte par semaine : je fais cela lorsque j'ai du temps à perdre...

Bonne lecture.