jeudi 13 février 2014

"Los" - Reise, Reise

Wir waren namenlos
Und ohne Lieder
Recht wortlos
Waren wir nie wieder

Etwas sanglos
Sind wir immer noch
Dafür nicht klanglos
Man hört uns doch

Nach einem Windstoß
Ging ein Sturm los
Einfach beispiellos
Es wurde Zeit

Los

Sie waren sprachlos
So sehr schockiert
Und sehr ratlos
Was war passiert

Etwas fassungslos
Und garantiert
Verständnislos
Das wird zensiert

Sie sagten grundlos
Schade um die Noten
So schamlos
Das gehört verboten

Es ist geistlos
Was sie da probieren
So geschmacklos
Wie sie musizieren

Es ist hoffnungslos
Sinnlos
Hilflos
Sie sind gottlos

Wir waren namenlos
Wir haben einen Namen
Waren wortlos
Die Worte kamen

Etwas sanglos
Sind wir immer noch
Dafür nicht klanglos
Das hört man doch

Wir sind nicht fehlerlos
Nur etwas haltlos
Ihr werdet lautlos
Uns nie los

Wir waren namenlos
Und ohne Lieder
Recht wortlos
Waren wir nie wieder

Etwas sanglos
Sind wir immer noch
Dafür nicht klanglos
Man hört uns doch

Nach einem Windstoß
Ging ein Sturm los
Einfach beispiellos
Wurde zeitlos

Wir waren los
Wir waren los



Reise, Reise constitue sans doute l'album le plus personnel du groupe. S'il marque musicalement un tournant, ainsi qu'une sorte de renaissance après Mutter, les membres de Rammstein parviennent à prendre du recul sur leurs relations (cf. « Ohne dich ») et regardent derrière eux le chemin parcouru. « Los » raconte sans détour les débuts du groupe, les critiques et la censure, mais voit aussi en direction de l'avenir, la machine est lancée : « C'est parti ! ».

Cette chanson mêle ton revendicateur et ironie, ressenti sincère et mise à distance. Si le texte parle du groupe, le style est aussi à son image, entre besoin de création et auto-dérision. Ce paradoxe est révélé dès la première partie composée des trois premier couplets. Lindemann commence par évoquer le besoin vital de créer, de composer, d'écrire pour vivre. « Nous étions sans nom (anonymes) / Et sans chanson », ils sont partis de rien, étaient presque sans existence, sans notoriété non plus. Chez Rammstein création artistique et notoriété sont des éléments qui à partir de cet album serons sans cesse en lien (cf « Ein Lied » et « Rammlied ») et ils semblent ici prendre conscience de cette célébrité : « Encore un peu sans tambour / Nous le sommes toujours / En revanche pas sans trompette / On nous entend bien tout de même ». En détournant l'expression « sans tambour ni trompette » Lindemann évoque à la fois cette notoriété, le fait qu'ils soient parvenus à se faire entendre ; mais en écrivant qu'ils n'ont que les trompettes il dit que ce n'est pas grand chose, que ce n'est pas important, que ce n'est que du vent.

Du vent. Ce n'est rien. Et pourtant : « Après une bourrasque / Une tempête s'est levée / Simplement sans précédent (inqualifiable) ». Ce que Rammstein a produit a déclenché une véritable tempête, dans le sens où ils ont fait parlé d'eux. Mais c'est également une manière de définir leur style musical, qu'ils ont toujours voulu comme quelque chose de neuf, d'original : « Il était temps ».

La seconde partie du texte évoque la manière dont le groupe et sa musique ont été perçu à la fois par le public et la critique. Et la première réaction est la stupéfaction : « Ils étaient sans voix / Tellement choqués / Et vraiment perplexes / Que s'était-il passé ? ». Après le choc et l'incompréhension ce sera la censure : « Ce sera censuré / […] / Ça sera interdit ». Rammstein pointe du doigt la manière dont ils ont été jugé, sans vraiment être compris. Leur musique a été qualifié « d'impudique », « inepte (sans intelligence) » et de « mauvais goût ». Lindemann insiste sur l'unicité, la nouveauté de ce qu'ils ont produit, d'où la surprise, l'incompréhension et la censure. Et ce pourquoi on les montre de doigt, le membres du groupe en ferons une véritable marque de fabrique : « C'est sans espoir / Sans aucun sans / Il n'y a rien à faire / Ils sont sans Dieu (athées, abandonnés de Dieu) ». Ce que la critique a jugé comme étant des défauts condamnables, le groupe en a fait une force : « Nous ne sommes pas sans défauts / Seulement un peu instables ». C'est en partie grâce aux polémiques et aux condamnations qu'ils avancent et qu'ils veulent toujours aller plus loin : « Vous ne vous débarrasserez jamais / De nous sans bruit ». La « bourrasque » qu'était le groupe à ses débuts est devenu une véritable « tempête » attisée par les condamnations.

« Los » revendique sur un ton très provocateur ce qui fait l'essence du groupe : le besoin vital de créer, de notoriété, de provoquer. Cette chanson dit aussi à ceux qui l'on critiqué, condamné, qu'ils sont les créateurs du monstre qu'est Rammstein. Lindemann affirme à travers ce texte que s'il n'y avait pas eu les scandales (accusations de nazisme notamment) le groupe ne serait pas ce qu'il est devenu. Ainsi, si le besoin de composer, de faire de la musique, leurs est indispensable en tant qu'individus, le succès n'est pas le seul résultat de leur talent. Il y a une part de hasard, des choses qui leurs ont échappé. Ce qui devait les rabaisser, les blesser, les abattre est devenu une arme qu'ils se sont appropriés avec une certaine ironie et un détachement. Le ton ironique et la mise à distance souligne la futilité à la fois de ce qu'ils font et des réactions qu'ils ont pu provoquer.


« Los » et plus largement l'album Reise, Reise, témoigne d'une véritable maturité dont fait preuve Rammstein. Ils ont commencé la musique et composé en se faisant simplement plaisir, en voulant affirmer leur identité. Mais ils ont bien conscience que certaines choses leurs ont échappé. Alors face au succès ils assume d'autant plus leur cynisme, qui semble désormais faire partie de ce qu'est Rammstein.