samedi 24 mai 2014

« Mutter » / « Donaukinder » - Mutter / Liebe ist für alle da



Mutter

Die Tränen greiser Kinderschar
Sich zieh sie auf ein Weißes Haar
Werf in die Luft die nasse Kette
Und wünsch mir dass ich eine Mutter hätte
Keine Sonne die mir scheint
keine Brust hat Milch geweint
In meiner Kehle steckt ein Schlauch
Hab keinen Nabel auf dem Bauch

Mutter, Mutter
Mutter, Mutter

Ich durfte keine Nippel lecken
Und keine Falte zum verstecken
Niemand gab mir einen Namen
Gezeugt in Hast und ohne Samen

Der Mutter die mich nie geboren
Hab ich heute Nacht geschworen
Ich werd ihr eine Krankheit schenken
Und sie danach im Fluss versenken

Mutter, Mutter
Mutter, Mutter
Mutter, Mutter
Mutter, Mutter

In ihren Lungen wohnt ein Aal
Auf meiner Stirn ein Muttermal
Entferne es mit Messers Kuss
Auch wenn ich daran sterben muss

Mutter, Mutter, Mutter, Mutter

In ihren Lungen wohnt ein Aal
Auf meiner Stirn ein Muttermal
Entferne es mit Messers Kuss
Auch wenn ich verbluten muss

Mutter, oh gib mir Kraft
Mutter, Mutter
Oh gib mir Kraft
Mutter, Mutter
Oh gib mir Kraft
Mutter, Mutter
Oh gib mir Kraft

Donaukinder


Donau quellt ein Aderlass
Wo Trost und Leid zerfließen
Nichts gutes liegt verborgen nass
In deinen feuchten Wiesen

Keiner weiß was hier geschah
Die Fluten rostig rot
Die Fische waren atemlos
Und alle Schwäne tot
An den Ufern in den Wiesen
Die Tiere wurden krank
Aus den Auen in den Fluß
Trieb abscheulicher Gestank

Wo sind die Kinder
Niemand weiß was hier geschehn
Keiner hat etwas gesehen
Wo sind die Kinder
Niemand hat etwas gesehen

Mütter standen bald am Strom
Und weinten eine Flut
Auf die Felder, durch die Deiche
Stieg das Leid in alle Teiche
Schwarze Fahnen auf der Stadt
Alle Ratten fett und satt
Die Brunnen giftig, aller Ort
Und die Menschen zogen fort

Wo sind die Kinder
Niemand weiß was hier geschehn
Keiner hat etwas gesehen
Wo sind die Kinder
Niemand hat etwas gesehen

Donau quellt ein Aderlass
Wo Trost und Leid zerfließen
Nichts gutes liegt verborgen nass
In deinen feuchten Wiesen

Wo sind die Kinder
Niemand weiß was hier geschehn
Keiner hat etwas gesehen
Wo sind die Kinder
Niemand hat etwas gesehen






Un autre commentaire comparé : « Mutter » et « Donaukinder » cette fois-ci. Autant dire la vérité, l'idée de confronter les deux textes ne vient pas de moi mais de la page Facebook Donaukinder sur laquelle était écrit hier soir que les deux chansons se faisaient écho, « more or less » (soit dit en passant, la page Donau n'apparait plus sur Facebook ce matin... Mais absolument AUCUNE raison de paniquer...). Je sens que cet article va être un peu long, car j'aimerai dans un premier temps expliquer chacun des deux textes individuellement avant de les confronter.

Commençons donc par « Mutter ». Chanson éponyme de l'album sorti en 2001, elle est en son centre, sorte de pilier qui porte la thématique générale des dix autres chansons. Le narrateur semble adulte, mais il parle de l'enfant qu'il était, et qu'il est encore. Le premier vers souligne ce double aspect puisqu'il évoque « Les larmes d'une bande d'enfants-vieillard » que la narrateur « enfile sur un cheveu blanc / [il] jette ce cordon humide en l'air ». L'image semble dire que le narrateur a vieilli, mais qu'il n'a pas pu grandir, parce qu'il a été abandonné : « J'aurais aimé avoir une mère », dit-il. La suite de ce premier couplet s'attarde sur l'idée d'abandon, de solitude, et surtout de manque d'amour, « Il n'y a aucun soleil qui m'illumine / Aucune poitrine n'a pleuré de lait pour moi ». Il a manqué de tout ce qui est nécessaire à l'homme pour être un humain accompli et sensible, une mère, à la fois nourricière et aimant (les mots du deuxième couplet évoquent exactement cette même idée : « Je ne pouvais téter aucun sein / Je n'avais aucun repli pour m'abriter »). Ainsi, il lui semble qu'il n'est pas humain, qu'il est le résultat d'une expérience purement scientifique dont tout sentiment reste absent : « dans ma gorge, il y a un tube / Je n'ai pas de nombril sur le ventre » et au couplet suivant il ajoute « Conçu à la hâte et sans semence ». Ne connaissant pas ses origines, il souffre aussi de ne pas connaître son identité : « Personne ne m'a donné de nom ». Dans ce contexte, les répétitions de « Maman » évoquent les pleurs de l'enfant cherchant désespérément sa mère.

Il semble que le troisième couplet marque un tournant. Si le début de la chanson évoque la douleur de ne pas savoir d'où on vient, qui on est, d'avoir manqué d'affection et d'amour, c'est la haine qui emprunt la seconde moitié du texte : « À la mère qui ne m'a jamais fait naître / J'ai juré cette nuit / De la rendre malade / Et de la noyer ensuite dans le fleuve ». Reste sous-jacente ici une idée de révolte adolescente. Noyer la mère peut être ici une métaphore représentant le besoin de nier ses parents pour affirmer sa propre identité. Le narrateur enfant n'a beau pas avoir eu de parents, l'adolescent qu'il est ressent tout de même ce violent besoin de révolte. Le couplet suivant, répété à deux reprises, va dans ce sens, mais semble sous-entendre autre chose de plus. En effet, il semble difficile d'interpréter le vers : « Dans ses poumons loge une anguille ». Je ne suis pas sûre de pouvoir bien l'interpréter, je vais donc le faire de manière subjective, dans le but de pouvoir lier « Mutter » à « Donaukinder » toute à l'heure. Il semblerait que le changement qu'il s'opère entre le début du texte et cette deuxième partie est le fait que le narrateur aurait découvert son identité, ses origine, il aurait retrouver sa mère. Et ce qu'il a découvert est inacceptable. L'anguille dans les poumons de la mère représente pour moi la honte et le pécher : elle a fait quelque chose de grave que le narrateur aurait préférer ne jamais découvrir. En effet, maintenant qu'il semble savoir qui est sa mère, « Sur mon visage, il y a une tache de naissance » (ce qui entre en totale opposition avec les premiers et deuxièmes couplets « J' n'ai pas de nombril sur le ventre », etc.), il est encore plus malade qu'il ne l'était en ne connaissant pas ses origine. Désormais il voudrait effacer cette identité, « Sur mon visage, il y a une tache de naissance / Que le baiser du couteau me l'enlève ! », à tel point qu'il est prêt à cesser de vivre, « Même si je dois en mourir ». Alors, ce qu'il a découvert, la raison de son abandon est une chose des plus terrible peut-être révélée dans « Donaukinder ». Mais avant d'y venir un dernier mot sur « Mutter ». Les répétitions de « Maman » qui au début était les pleurs de l'enfant abandonnée, deviennent alors de cris de haine, « Maman qu'as-tu fais ! » semble-il crier. « Oh donne-moi la force » de survivre à cette infamie, de te tuer...


« Donaukinder » narre une sombre histoire, où il est question de maladie, d'épidémie. « Le Danube s'écoule en une hémorragie / Où réconfort et souffrance se répandent » : le mal dont il est question est intimement lié au fleuve, et, paradoxalement (encore une fois!) le fleuve est aussi un « réconfort » face à ce mal. Pourquoi ? Il faut avancer un peu dans l'explication, mais nous y reviendrons. Lindemann insiste sur la description de cette épidémie qui à décimé tout un paysage : « Les flots rouges comme la rouille / Les poissons étaient asphyxiés / Et tous les cygnes morts / Sur les berges, dans les près / Les animaux tombent malade / […], une horrible puanteur / Se déversa dans le fleuve ». Ainsi un mal autour du fleuve fait mourir les être vivant, change l'eau de couleur. Et, là encore, un paradoxe, puisque à la fois le fleuve être la source de l'épidémie, mais quelqu'un ou quelque chose aurait « [déversé] » ce mal dans le fleuve. Quel est ce mal ?

Si un partie du texte insiste sur la description d'un mal déformant toute une région, celle du Danube, l'autre partie à pour thématique principale le secret, le fait de ne pas savoir. Le refrain est essentiellement constitué autour du secret : « Où sont les enfants / Personne ne sait ce qui est arrivé ici / Personne n'a rien vu ». Idée renforcée par le premier vers du deuxième couplet : « Personne ne sait ce qui s'est passé ici ». On insiste ici sur le fait que personne ne peut dire ce qui s'est passé, que personne ne comprend pourquoi tous ces animaux mort, tout ce paysage détruit. Quant aux enfants, sont-ils morts eux aussi ? « Personne n''a rien vu ». Pourtant, des personnes étaient présentes sur la berge : « des mères se tinrent au bord du fleuve / Et versèrent un flots de larmes ». Les enfants se seraient-ils noyés dans le Danube ? Revenons au premier couplet. Plus haut, nous soulignions le fait qu'une épidémie avait d'abord décimé les êtres vivants au bord du Danube, et que, paradoxalement, si la maladie semblait venir du fleuve, on y a déversé le mal dedans. L'interprétation qu'on peut en faire serait : il y a eu une grave épidémie qui a atteint les populations humaines et animales de cette régions, tuant les être les plus faibles, donc les enfants (concernant la nature de la maladie, j'ai envie de dire peu importe, même se l'évocation des « rats repus et gras » peut faire penser à la peste). Tellement le nombre de victime a été grand, les parents n'ont pas pu donner de sépulture aux morts, ils les ont donc jeté dans le fleuve. Leur pêcher a peut-être même été plus grand : de peur de voir les enfants encore en vie atteints pas la maladie, ils ont préféré les noyer.

Cette faute grave explique alors toute cette atmosphère de secret qui pèse autour de ces événements, que l'on ne peut que deviner en négatif. La vérité est que tout le monde sait ce qu'il s'est passé, la population est en deuil, « Des drapeaux noirs sur toute la ville », mais la honte est si grande qu'on n'ose rien dire, qu'on préfère faire comme si on ne savait pas. Le pêcher est si grand, la honte si insupportable, que « les hommes partirent » emportant avec eux le secret. Et seul ce paysage dévasté porte encore les stigmates du drame.


Quel lien faire alors entre « Mutter » et « Donaukinder » ? On pourrait penser que le narrateur s'exprimant dans « Mutter » est un des enfants du Danube rescapé de l'épidémie et de la noyade. Orphelin, il cherche à savoir d'où il vient. Il découvre alors le secret, le drame qui s'est joué sur les berges de Danube. Ainsi la lecture de « Donaukinder » révèlerait l'histoire du narrateur de « Mutter », les deux textes, pouvant être lus et compris de manière indépendante, se font alors écho. Je me demande alors si nous savons quand est-ce que Lindemann a écrit « Donaukinder ». Il ne serait pas impossible que l'écriture de ce texte date de la création de l'album Mutter et que le texte n'ait finalement pas été retenu. Le groupe a-t-il peut-être même travailler sur la composition musicale de « Donaukinder » pendant le période Mutter. Ce n'est qu'une supposition de ma part, mais le solo de guitare de cette chanson me rappelle systématiquement celui que l'on trouve dans « Mein Herz brennt ». De plus, « Donaukinder » ne se trouve pas au cœur de l'album Liebe ist für alle da, mais dans les bonus. Pourquoi, alors qu'il s'agit, selon moi, de l'un des meilleures chanson de l'album ? Peut-être parce qu'ils auraient ressorti et retravaillé une vieille démo datant de leur travail sur Mutter. Absolument rien ne peut confirmer (ou infirmer) mes dires, c'est une réflexion personnelle. D'un autre côté, Lindemann aurait très bien pu écrire les paroles de « Donaukinder » au moment de composer Liebe ist für alle da en référence à Mutter. Quoi qu'il en soit, et peut-importe les dates d'écriture et de composition, les deux textes partagent un lien certain.


lundi 19 mai 2014

« Das alte Leid » / « Weißes Fleisch » - Herzeleid


Das alte Leid

Aus der Bohne und in das Licht
Ein Wesen mich zu gehen drängt
Für die selbe Sache und das alte Leid
Meine Tränen mit Gelächter fängt
Und auf der Matte fault ein junger Leib
Wo das Schicksal seine Puppen lenkt
Für die selbe Sache und das alte Leid
Weiß ich endlich hier wird nichts verschenkt

Aus der Bohne und in das Nichts
Weiß jeder was am Ende bleibt
Dieselbe Sache und das alte Leid
Mich so langsam in den Wahnsinn treibt
Und auf der Matte tobt derselbe Krieg
Mir immer noch das Herz versengt
Dieselbe Sache und das alte Leid
Weiß nur endlich

Ich will ficken
Ficken
Ficken
Ficken

Nie mehr
Nie mehr das alte Leid
Nie mehr
Nie mehr das alte Leid

Aus der Bohne und in das Licht
Ein Wesen mich zu gehen drängt
Für die selbe Sache und das alte Leid
Meine Tränen mit Gelächter fängt
Und auf der Matte fault ein junger Leib
Wo das Schicksal seine Puppen lenkt
Für die selbe Sache und das alte Leid
Weiß ich endlich

Nie mehr
Nie mehr das alte Leid
Nie mehr
Nie mehr das alte Leid

Nie mehr
Nie mehr das alte Leid
Nie mehr
Nie mehr das alte Leid

Nie mehr
Nie mehr das alte Leid
Nie mehr
Nie mehr das alte Leid


Weißes Fleisch



Weißes Fleisch

Du auf dem Schulhof
Ich zum Töten bereit
Und keiner hier weiß
Von meiner Einsamkeit

Rote Striemen auf weißer Haut
Ich tu dir weh
Und du jammerst laut

Jetzt hast du Angst und ich bin soweit
Mein schwarzes Blut versaut dir das Kleid

Dein weißes Fleisch erregt mich so
Ich bin doch nur ein Gigolo
Dein weißes Fleisch erleuchtet mich

Mein schwarzes Blut und dein weißes Fleisch
Ich werd immer geiler von deinem Gekreisch
Der Angstschweiß da auf deiner weißen Stirn
Hagelt in mein krankes Gehirn

Dein weißes Fleisch erregt mich so
Ich bin doch nur ein Gigolo
Mein Vater war genau wie ich
Dein weißes Fleisch erleuchtet mich

Jetzt hast du Angst und ich bin soweit
Mein krankes Dasein nach Erlösung schreit
Dein weißes Fleisch wird mein Schafott
In meinem Himmel gibt es keinen Gott

Dein weißes Fleisch erregt mich so
Ich bin doch nur ein Gigolo
Dein weißes Fleisch erleuchtet mich
Mein Vater war genau wie ich
Dein weißes Fleisch erregt mich so
Ich bin ein trauriger Gigolo
Dein weißes Fleisch erleuchtet mich











J'ai choisi de faire un commentaire comparé de « Weißes Fleisch » et « Das alte Leid » dans la mesure où les textes me semblent très proches, au niveau de la thématique, et que le premier semble illustrer le second. Il est encore une fois question chez Rammstein de désir et de sexe. J'ai l'impression que ce sont les mots que j'utilise le plus souvent lorsque je fais ces foutus commentaires ! Mais, « il n'y a que ça qui nous gouverne » comme dirait l'autre (10 points à celui ou celle qui trouve la référence).

De manière générale, l'album Herzeleid associe sexe, violence et mort. « Das alte Leid » identifie finalement les causes de toutes ces « peines de coeur » dont il est question dans cet opus. Il semble que le désir lubrique est la cause de tout ce mal, de toute cette peine, il guide l'homme à sa perte. Ce mal, nul ne peut le vaincre, on ne peut rien contre : « De la graine vers la lumière / Un être me pousse à aller vers la même chose, ce mal ancien ». En utilisant ainsi l'image de la graine, origine de la vie, Lindemann exprime deux choses : le « mal » dont il est question est présent dès l'origine de l'homme, dans ses gènes, on ne peut pas s'en détacher, il fait partie intégrante de notre être ; également ce qui fait grandir l'homme, c'est cette volonté d'aller vers ce mal. Est ici exprimé le fait que le sexe, le désir est le moteur de l'homme qui devient alors un simple « pantin ». Cette fatalité est exprimée à la fin de ce couplet : « Où le destin nous mène-t-il […] / Vers la même chose, ce mal ancien ». Ainsi, ce « mal », pas encore identifié à ce stade du texte, est à la fois à l'origine de l'humanité et sa propre destinée.

Cette notion de fatalité et de destin est mise en valeur dans « Weißes Fleisch » : « Je ne suis qu'un gigolo / Mon père était tout comme moi » : ici le narrateur montre bien que le « mal » qui le pousse au viol, et de manière générale à la violence est un héritage. Sous entendu ici que le narrateur est le fruit d'un viol, et que comme son père il engendrera une descendance par la violence et la souffrance. Cette image montre à quel point l'homme ne peut faire autre chose que subir cette souffrance.

Souffrance et désir sont associés dans les deux textes. Dans « Weißes Fleisch » le narrateur exprime sa « solitude » et parle de son « cerveau malade ». On ressent à travers ce texte que ce qu'il fait est plus fort que lui, qu'il en a besoin pour vivre, à tel point que le narrateur parle de délivrance : « Mon être malade crie pour qu'on le délivre / Ta chair blanche sera ma potence ». Il y a ici quelque chose de paradoxal. En effet, la douleur devrait être, dans ce texte qui décrit un viol, associé à la victime, mais ce n'est pas le cas. Les deux seuls mots de vocabulaire associé à la jeune femme (d'ailleurs le seule indice qui nous montre qu'il s'agit bien d'une jeune femme est « ta robe » dans le second couplet) sont les « cris » et la « peur ». Tous le champ lexical autour de la douleur et de la mort est associé à l'agresseur : « Ma solitude », « Mon sang noir », « cerveau malade », « Mon être malade crie pour qu'on le délivre / ta chaire blanche sera ma potence »...

On retrouve cette même association, souffrance et désir dans « Das alte Leid ». Le narrateur exprime ici son mal : « Ce mal ancien / Il prend mes larmes en ricanant ». « Le mal ancien » le « fait sombrer lentement dans la folie », faisant écho au « cerveau malade » dans « Weißes Fleisch ». Il semblerait également que le vers suivant « Tandis que pourrit sur la couche un jeune corps » soit un rappelle de « Weißes Fleisch » d'une part, mais également de « Do rieschst so gut », et de manière encore plus explicite à « Wollt ihr das Bett in Flammen sehen ? ». « Das alte Leid » fait référence à la première chanson de l'album également ici : « Et sur la couche la même guerre fait rage ».

« Das alte Leid » semble d'ailleurs marqué un tournant dans l'album. Dans les deux premiers couplets de la chanson, Lindemann se contente de décrire sa souffrance, sans parvenir à 'identifier. La partie centrale du texte repose sur l'identification de « ce mal » : « Je veux baiser ». Ainsi le sexe et bien la cause, et la solution (j'y viendrai plus loin) de tous nos problèmes. Le « Je le sais enfin » qui précède « Ich will ficken », s'il est en réponse au deux premiers couplets, me semble aussi être en réponse aux trois autres chanson précédemment citées, comme s'il s'agissait du même narrateur pour pour ces cinq titres. Ainsi, ce qui le fait souffrir et ce qui le pousse à faire le mal est bien le sexe.

Comme souvent (pour ne pas dire toujours) dans l'écriture de Lindemann, nous avons affaire à un paradoxe. « Weißes Fleisch » insiste, nous l'avons vu, sur la souffrance du narrateur/agresseur. Le désir lubrique le pousse à faire mal à la jeune femme (« Je te fais mal / Et tu cries fort »), toutefois si le sexe est la source de « ce mal ancien », il en devient aussi, comme je l'écrivais plus haut, la solution à cette souffrance : « Ta chair blanche m'illumine ».

Le sexe est ce qui nous guide, parce qu'avant tout l'homme est un animal et l'instinct de survie réside dans la volonté de s'assurer une descendance. Lindemann a beau essayé de réfléchir sur les causes des souffrances humaines dans « Das alte Leid », les textes précédemment cités (« Weißes Fleisch », « Du rieschst so gut ») décrivent un comportement animal. La subtilité analytique dont fait preuve Lindemann lorsqu'il décrit l'humanité et ses sentiments réside dans ce va et viens (ahah!) incessant entre une manière rationnelle et littéraire d'exprimer les peines de l'homme et les images animales et brutales qu'il utilise pour le faire.

J'interprète ce paradoxe comme une sorte de mise à distance. Dans la plupart de mes commentaires j'essaie de montrer comment Lindemann aborde des sujets sérieux tout en montrant une certaine auto-dérision. Ce n'est pas vraiment explicite dans ces deux textes, il s'agit ici d'une interprétation personnelle. Ainsi, il dit que le sexe est le destin de l'humanité. Que la souffrance ressentie soit réelle, je n'en doute pas (il suffit d'analyser un peu nos existences pour y trouver les mêmes problématiques), mais cette volonté absolue de dire « ce n'est pas ma faute » (20 points supplémentaires à celui qui trouve cette autre référence) est toute à fait ironique. En effet, cette chanson semble aussi justifier l'infidélité : le narrateur dit « ce n'est pas ma faute », ce n'est pas moi c'est « un être [qui] me pousse à aller / Vers la même chose, ce mal ancien ». 




lundi 12 mai 2014

« Seemann » - Herzeleid

Komm in mein Boot
Ein Sturm kommt auf
Und es wird Nacht

Wo willst du hin
So ganz allein
Treibst du davon

Wer hält deine Hand
Wenn es dich
Nach unten zieht

Wo willst du hin
So uferlos
Die kalte See

Komm in mein Boot
Der Herbstwind hält
Die Segel straff

Jetzt stehst du da an der Laterne
Mit Tränen im Gesicht
Das Tageslicht fällt auf die Seite
Der Herbstwind fegt die Straße leer

Jetzt stehst du da an der Laterne
Hast Tränen im Gesicht
Das Abendlicht verjagt die Schatten
Die Zeit steht still und es wird Herbst

Komm in mein Boot
Die Sehnsucht wird
Der Steuermann

Komm in mein Boot
Der beste Seemann
War doch ich

Jetzt stehst du da an der Laterne
Hast Tränen im Gesicht
Das Feuer nimmst du von der Kerze
Die Zeit steht still und es wird Herbst

Sie sprachen nur von deiner Mutter
So gnadenlos ist nur die Nacht
Am Ende bleib ich doch alleine
Die Zeit steht still
Und mir ist kalt
Kalt
Kalt
Kalt
Kalt




Poétique et mélancolique, « Seemann » marque en quelque sorte une pause dans la dureté de l'album Herzeleid. Si on trouve toujours les riffs typiques de Rammstein, la voix de Lindemann se fait plus douce. Quant au texte, il semble lui aussi, au premier abord, moins brutal. Avec une très grande agilité et une maitrise des mots, Lindemann parvient ici à révéler avec subtilité, une fois encore, la complexité des sentiments humains.

En donnant le titre « Seemann » au texte, Lindemann pose d'emblée les thématiques auxquelles l'auditeur s'attend : solitude, froid et figures féminines. (J'écris ici « figures féminines » au pluriel à dessein, nous verrons cela plus loin.)

Le marin est ici le narrateur. Il s'adresse à une jeune fille : « Viens dans mon bateau […] Où veux-tu aller / Comme ça toute seule / À la dérive ». On pourrait penser, dans ce contexte, qu'il s'adresse à une prostituée : « Et te voilà maintenant auprès du réverbère / Le visage plein de larmes / La lumière du jour décline / Le vent d'automne balaie les rues ». On imagine ici le port solitaire et froid : le marin vient d'arriver et recherche une prostitué pour combler sa solitude. Nous pouvons d'ailleurs noter que tout le texte est emprunt de sous entendus sexuels exprimant le désir du marin. Si nous les prenons dans l'ordre, le narrateur exprime d'abord le désir qui est en lui, et cette envie est si forte qu'il la compare à une « tempête », « Une tempête se lève ». Il fait même référence à l'expression physique du désir, « Le vent d'automne gonfle / Les voiles », « les voiles » étant une métaphore pour désigner son sexe. Dans un second temps, il semble vouloir la convaincre ou lui plaire, expliquant que le désir guidera ses gestes, « Le désir sera / Le timonier », et qu'il est bon amant, « Le meilleur marin / C'était bien moi ». Enfin le vers « Tu prends le feu de la bougie » pourrait être interprété comme l'accomplissement de l'acte sexuel, le feu étant métaphore du désir et la bougie celle, encore une fois, du sexe.
On notera ici la subtilité dont fait preuve Lindemann en utilisant un vocabulaire de la navigation et du monde marin pour en faire des images du désir.

S'il y a bon nombre de sous entendus sexuels, le texte est surtout emprunt de mélancolie. Les références à la nuit et à l'automne parviennent à créer une atmosphère froide et solitaire : « La nuit tombe », « La mer glacée », « Le vent d'automne », etc. On note la volonté de Lindemann d'insister sur cette atmosphère : dans le texte le mot « automne » est répété quatre fois, il y a six références à la nuit ou à la fin du jour, et on trouve l'adjectif « glacée » ainsi que le mot « froid » répété à cinq reprises à la fin du texte.

Dans cette ambiance mélancolique et froide, Lindemann insiste sur la solitude des deux protagonistes. Il insiste surtout sur la solitude de la jeune femme : « Où veux-tu aller / Comme ça toute seule / À la dérive / Qui va te tenir la main / Quand tu seras / Entraînée vers le fond / Où t'en vas-tu / La mer glacée / N'a pas de rives ». Le narrateur s'inquiète pour elle et veut montrer une attitude bienveillante ici. « Qui va te tenir la main » demande-t-il dans une attitude bienveillante, presque en opposition avec toutes les images du désir sensuel que nous avons déjà relevé.

Le dernier couplet marque une rupture : « Ils n'ont parlé que de ta mère ». Lorsque l'on écoute pour la première fois les paroles de cette chanson, ce vers nous paraît très obscure. Pourquoi le marin qui va voir une prostituée lui parle-t-il se sa mère ? Nous pouvons alors nous demander pourquoi cet homme plein de désir lubrique après des semaines passées en mer s'inquiète-t-il autant pour cette prostituée ? Ce paradoxe que nous avons souligné précédemment est une clé d'interprétation du texte. Le marin ne va pas voir une prostituée, il va voir sa fille. Voilà pourquoi l'essentiel du texte repose sur l'inquiétude du narrateur pour cette jeune femme. Voilà également pourquoi Lindemann a fait tant d'effort pour faire transparaître de ce texte une mélancolie profonde. Le père est loin de sa fille, ils se sentent seuls et abandonnés l'un si loin de l'autre.

Dans ce contexte d'interprétation, nous pouvons mieux comprendre la vers : « Ils n'ont parlé que de ta mère ». En effet, le père ayant du partir, on a confier la garde de son enfant à sa mère, comme c'est très (trop?) souvent le cas lorsque un couple se sépare. Certaines métaphores sexuelles peuvent également s'interpréter autrement. « Viens dans mon bateau / Le vent d'automne gonfle / Les voiles » : le père demande ici à sa fille de prendre pour un moment la mer avec lui, de profiter d'être ensemble et de chasser la solitude le temps d'un voyage. C'est cela que signifie le vers « La lumière du soir chasse les ombres ». Ils se sont retrouvés et pour un soir ils ne sont plus seuls. « Tu prends le feu de ma bougie » est une manière de dire qu'il lui donne toute sa chaleur, tout son amour lors de ce trop bref instant partagé. Car, le marin doit reprendre la mer, le père doit repartir et la douce chaleur du moment passé laisse place à nouveau à la mélancolie : « À la fin je reste seul / Le temps se fige / Et j'ai froid / Froid... »

Peut-être serait-il juste de dire ici que Lindemann livre dans ce texte un peu de lui-même. Pour moi, ce texte fait écho à divers poèmes de son recueil Messer dont le sujet est sa fille Nele. On sent qu'il est proche d'elle et que leur relation est fusionnelle. On sait également que Lindemann s'occupait de sa fille avant que Rammstein rencontre le succès. Il a alors du la laisser à sa mère pour partir en tournée avec le groupe, etc. Dans ce contexte l'image du marin prenant la mer pour des longues périodes peut être celle du chanteur, du musicien qui doit laisser son enfant pour partir en tourner. Dès leur premier album, les membres de Rammstein sont déjà conscient des aléas de leur métier. Ils expriment cela dans « Seemann » avec beaucoup de poésie.

Toutefois, Lindemann ne peut s'empêcher de se monter provocateur. En effet, la seconde interprétation de la chanson n'annule pas la première. Il mélange à dessein ces deux sentiments paradoxaux : lubricité et bienveillance. Les deux figures féminines qui transparaissent dans ce texte, celle de la pute et celle de la fille, si on peut les distinguer, sont pourtant bel et bien réunies ici. C'est sans doute sa manière de montrer la force avec laquelle on peut aimer son enfant, un instinct si fort qu'il en devient presque du désir. Il y a de quoi être mal à l'aise face à la manière dont est traitée la thématique de l'inceste ici. Ce thème est très présent dans les deux premiers albums de Rammstein. Dans Herzeleid, il transparait dans « Seemann » et « Laichzeit », et dans Sehnsucht il en fera deux chansons : « Tier » et « Spiel mit mir ».

Au delà de l'aspect subversif de cette chanson, Lindemann montre encore et toujours sa capacité à saisir et à retranscrire la complexité des sentiments humains. Il est ici virtuose dans la capacité à faire passer à travers une seule métaphore, une seule image, une double réalité. Au centre de l'album Herzeleid, cette musique plus douce ne présente pas un thème moins dur que les autres chansons de cet opus et exprime aussi une autre « peine de coeur ».