Auf einer Brücke ziemlich hoch
Hält ein Mann die Arme auf
Da steht er nun und zögert noch
Die Menschen strömen gleich zuhauf
Auch ich lass mir das nicht entgehen
Das will ich aus der Nähe sehen
Ich stell mich in die erste Reihe
Und schreie
Der Mann will von der Brücke steigen
Die Menschen fangen an zu hassen
Bilden einen dichten Reigen
Und wollen ihn nicht nach unten lassen
So steigt er noch mal nach oben
Und der Mob fängt an zu toben
Sie wollen seine Innereien
Und schreien
Spring
Spring
Spring
Spring
Erlöse mich
Spring
Enttäusch mich nicht
Spring für mich
Spring ins Licht
Spring
Jetzt fängt der Mann zu weinen an
Heimlich schiebt sich eine Wolke
Und fragt sich - Was hab ich getan?
Vor die Sonne, es wird kalt
Ich wollte nur zur Aussicht gehen
Die Menschen laufen aus den Reihen
Und in den Abendhimmel sehen
Und sie schreien
Spring
Spring
Sie schreien
Spring
Spring
Erlöse mich
Spring
Enttäusch mich nicht
Spring für mich
Spring ins Licht
Spring
Heimlich schiebt sich eine Wolke
Vor die Sonne, es wird kalt
Doch tausend Sonnen brennen nur für dich
Ich steig mich heimlich auf die Brücke
Tret ihm von hinten in den Rücken
Erlöse ihn von dieser Schmach, ja
Und schrei ihm nach
Spring
Spring
Spring
Spring
Erlöse dich
Spring
Enttäusch mich nicht
Spring, spring für mich
Spring
Enttäusch mich nicht
Spring
« Spring » correspond à
l'une de ces narrations, presque métaphoriques, qui composent
Rosenrot. Expression d'un
voyeurisme et d'une violence exacerbée, Lindemann choisi une double
narration surprenante : le protagoniste qui parle à la première
personne est d'abord spectateur de la scène puis en devient l'acteur
principal, qui va impulser l'action ; la narrateur donne aussi
le point de vue, les sentiments de l'homme sur le pont.
Le
premier sens du texte est assez explicite et raconte l'histoire d'un
homme qui « Sur un pont assez haut / […]
se tient les bras lever ». Alors qu'il « voulai[t]
seulement admirer la vue / Et regarder le ciel du soir », la
foule interprète de manière erronée son geste et pense qu'il veut
se suicider et lui crie « Saute ». Au cœur de cette
foule se trouve le narrateur s'exprimant à la première personne qui
va accomplir la volonté des gens autour : « Moi aussi, je
ne veux pas manquer ça / Je veux voir ça de près / Je me mets au
premier rang / Et crie ». De simple spectateur il va se faire
porteur de la « haine » de la « populace »
qui « se déchaîne ». La foule empêche l'homme de
« redescendre du pont / […] / Alors il remonte une nouvelle
fois », c'est alors que le narrateur se « glisse en
cachette sur le pont / Lui donne un coup de pied par derrière dans
le dos / Pour le délivrer de cette honte ». Le suicide rêvé
par la foule se transforme en meurtre.
Toutefois,
il ne s'agit pas véritablement d'un meurtre, mais d'un suicide par
procuration. Le fait que Lindemann ait choisi d'avoir deux
protagonistes principaux, deux narrateurs, n'est pas du au hasard :
ces deux personnages semblent être l'image d'un même esprit.
L'homme sur le pont devient une sorte de catharsis pour la foule et
tout particulièrement pour le protagoniste s'exprimant à la
première personne. Il crie : « Saut / Délivre moi /
Saute / Ne me déçois pas / Saute pour moi ». Ainsi ces deux
personnages peuvent être la personnification de deux volontés
opposées au sein d'un même esprit : à la fois l'envie et la
peur de sauter. Le désespoir et la peur de l'un, « Maintenant
l'homme commence à pleurer / […] / Il se demande – qu'est-ce que
j'ai fait », fait écho à la haine et au besoin de violence de
l'autre, « la populace se déchaîne / Ils veulent ses tripes /
Et crient ».
Au
delà de ce premier sens, Rammstein décrit un certain voyeurisme
dont ils sont eux-même victimes. En tant qu'artistes, ils se mettent
en valeur, se montrent, comme l'homme sur le pont. Leur but n'est
rien de plus que de se montrer dans la lumière (« Saute dans
la lumière »). L'envie de se montrer doit faire face à
l'envie de la foule, leur public, les média, de regarder. Ce regard
est avide et malsain, destructeur. C'est le couplet suivant qui
permet d'interpréter la chanson de cette manière : « Un
nuage passe furtivement / Devant le soleil, il commence à faire
froid / Et pourtant, mille soleils brillent rien que pour toi ».
Le soleil peut ici représenter le besoin de créer et le besoin de
reconnaissance, mais lorsqu'un nuage passe ce qui réchauffait leurs
cœurs disparaît, ils doivent alors faire face à une tout autre
lumière : les « milles soleils » sont les yeux du
public, les projecteurs et les flash des photographes. En ce sens le
« Ne me déçois pas » incarne très bien la voix du
public.
De
ce point de vue là, le protagoniste s'exprimant à la première
personne est une personnification du public qui a des attentes
particulières et qui considère que le groupe lui appartient. Face à
cette pression extérieure, les membres du groupes ne peuvent rien,
ils en deviennent esclave. Si la création artistique était un
véritable bonheur, les conséquences de la notoriété sont
douloureuses. Composer de la musique est un acte de création et
paradoxalement les conséquences de cet acte créateur sont
destructrices.
« Spring »
est une narration – métaphore dans laquelle Rammstein avoue à
demi-mot les conséquences de la notoriété : ils semblent
happés par la foule, le public, au point de pouvoir en mourir.
L'album Rosenrot
semble au premier abord beaucoup plus froid et moins personnel (en ce
qui concerne les textes), parce que Lindemann a choisi des narrations
plus impersonnelles. Toutefois, ceci marque une véritable maturité
dans sa production, il y a toujours au delà de ces histoires, des
révélations très intimes que l'on découvre seulement en faisant
un petit effort de reflexion.
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